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LE LIVRE DE JONAS (9)

 

 SORT FINAL DE NINIVE
 CONCLUSION
 

 

SORT FINAL DE NINIVE

 

 

Ninive est donc sauvée. Sa repentance a, pour un temps, éloigné l'orage qui la menaçait. Le jour de la clémence divine luit pour quelques temps encore. Toutefois, avant que beaucoup d'années se soient écoulées, elle aura oublié le Dieu de Jonas et repris le chemin de ses égarements. Alors, la juste indignation du Dieu des vengeances tombera sur elle ; et sa ruine, quoique différée, sera terrible.

Rappelons sommairement ses destinées depuis le passage de Jonas dans ses murs jusqu'au jour de sa complète destruction. C'était probablement Phul qui régnait à Ninive à l'époque où Jonas y vint. Tiglath-Philéser lui succède suivi de Salmanasar. Ce dernier prendra Samarie et mettra fin au royaume d'Ephraïm ; après lui, ce sera Sankhérib.

Ce fut sous le règne de ce dernier que les Assyriens parvinrent au faîte de leur grandeur. Leur empire s'étendait alors des belles et hautes montagnes d'Assur et des plaines fertiles, jusqu'aux rives de la mer Caspienne et du golfe Persique, à l'orient, et à celles de la grande Mer, à l'occident. C'était une position unique sous le double rapport de la puissance politique et du commerce. Samarie avait déjà succombé sous les coups des armées d'Assur. La possession de Jérusalem et de Juda semblait le complément naturel et nécessaire à cette dernière conquête.

Sankhhérib se met donc en marche contre la cité de Dieu. En ce temps-là vivait Esaïe. Il venait de prononcer cette terrible parole : « Ha ! l'Assyrie, verge de ma colère !... Je l'enverrai contre une nation profane ; et je lui donnerai un mandat contre le peuple de ma fureur, pour le butiner et le piller, et pour le fouler aux pieds comme la boue des rues » (Es. 10 : 6). Mais, en même temps que l'humiliation de son peuple, le prophète avait annoncé, de la part de Dieu, le châtiment et la ruine de l'Assyrien. Lorsque le Seigneur aura achevé toute son oeuvre dans la montagne de Sion et à Jérusalem, II visitera «  le fruit de l'arrogance du coeur du roi d'Assyrie et la gloire de la fierté de ses yeux » (v. 12). Déjà maître de la plupart des villes de Juda, Sankhérib ou plutôt le général en chef de son armée, le Rab-Shaké, arrive avec de grandes forces sous les murs de Jérusalem, proférant des paroles injurieuses contre Dieu (2 Rois 18 : 28-37). Il prépare contre elle ses machines de guerre. Mais, au moment où, le coeur enflé de ses prodigieux succès, il croit saisir une proie facile, où il se flatte de faire à Jérusalem et à son Dieu comme il avait fait à Samarie et à ses idoles, il voit son armée tomber comme un seul homme sous le glaive de l'ange exterminateur (19 : 35).

Alors se réalise l'oracle d'Esaïe : « Assur tombera par l'épée, non d'un homme d'importance ; et l'épée, non d'un homme du commun, le dévorera » (Es. 31 : 8) ; alors s'accomplit cette autre parole du fils d'Amots : « La lumière d'Israël sera un feu, et son Saint, une flamme ; et il brûlera et dévorera ses épines et ses ronces, en un seul jour ; et il consumera la gloire de sa forêt et de son champ fertile... le reste des arbres de sa forêt sera un petit nombre, et un enfant les inscrirait » (Es. 10 : 17-19).

            L'Eternel avait dit à Assur - à ce flot destructeur du fleuve, à ce torrent qui déborde (Es. 8 : 7-8) : Tu viendras jusqu'ici mais tu n'iras pas plus loin ! Le coup avait été terrible ; la plaie était profonde ; toutefois elle n'était pas incurable. Ninive avait encore toute sa grandeur et pouvait envoyer contre Jérusalem de nouvelles armées. C'était toujours la plus grande cité de la terre, le rendez-vous général des peuples, le centre du commerce du monde entier. Enrichis par leur négoce, ses enfants se faisaient connaître par leurs violences et leurs déprédations : c'était une vraie famille de lions qui répandaient l'effroi tout autour d'eux et remplissaient leur antre du fruit de leurs sanglantes rapines (Nahum 2 : 11-12 et 3 : 1).

            Avant de frapper un dernier coup, Dieu veut leur donner un ultime avertissement. Déjà le fils d'Amots avait annoncé, de la part de l'Eternel, un châtiment final. Dieu a voulu qu'un autre prophète avertisse Ninive expressément. Nahum l'Elkoshite était Ephraïmite d'origine, comme Jonas. Sa prophétie avait aussi pour unique objet Ninive. Le début est solennel : Dieu est jaloux, c'est un Dieu de vengeance, mais Il est lent à la colère ; toutefois Il ne tiendra nullement le coupable pour innocent (Nahum 1 : 2-3). 

Le prophète Nahum en vient au jugement qui doit frapper cette ville et le dépeint sous les images les plus sombres. C'est une inondation qui renverse tout ce qui se trouve sur son passage ; ce sont des ténèbres épaisses, c'est une flamme qui dévore comme du chaume sec. « Qu'imaginez-vous contre l'Eternel ? Il détruira entièrement ; la détresse ne se lèvera pas deux fois » (1 : 8-10). Il n'y aura pas besoin d'y revenir à nouveau car tout sera détruit.

            Avant de briser la ville, l'Eternel instruit son procès et met devant ses yeux la longue liste de ses iniquités : Des conquérants audacieux en sont sortis, projetant du mal contre l'Eternel, avec l'intention de détruire le peuple et le culte du vrai Dieu. Or, on ne porte pas impunément la main sur ceux que l'Eternel aime ; on ne rabaisse pas impunément le Dieu vivant et vrai au niveau des divinités impures qu'enfante le coeur de l'homme.

            Il y a aussi les idolâtries et les rapines de Ninive ; et ce qui accroît le courroux divin, c'est la corruption de ses moeurs. Il y a aussi toutes les séductions que cette cité marchande, la grande prostituée d'alors exerçait sur les peuples du monde civilisé (3 : 1, 4). 

Ninive jouissait alors de la paix ; mais sa prospérité fera subitement place à la terreur et à la calamité. Au jour de sa visitation, elle cherche à s'appuyer sur une multitude de défenseurs. Qu'importe le nombre, « ils seront retranchés et ne seront plus », dit l'Eternel (1 : 12).

            Se tournant vers Ephraïm et vers Juda, Il leur dit avec amour : « Si je t'ai affligé, je ne t'affligerai plus… Je briserai son joug de dessus toi, et je romprai tes liens ». Puis, revenant à Assur, le prophète déclare : « L'Eternel a commandé à ton égard…De la maison de ton dieu je retrancherai l'image taillée et l'image de fonte, je préparerai ton sépulcre, car tu es vil » (Nahum 1 : 12-14). Dans cette courte mais remarquable prophétie de Nahum, ce n'est pas une fois, mais trois ou quatre fois, que la miséricorde du Seigneur envers son peuple est annoncée, alternant avec sa vengeance contre Ninive.

La description de la ruine de Ninive, commencée au début du premier chapitre, remplit le chapitre suivant. Aux yeux du prophète, cette ruine est déjà consommée ; on aperçoit sur les montagnes des messagers qui en portent la bonne nouvelle à Jérusalem. Il convient désormais à la cité sainte de célébrer ses fêtes solennelles et d'adresser ses voeux au Puissant de Jacob, son glorieux Libérateur.

Comme exécuteurs des jugements de Dieu, les Mèdes s'avancent. Le prophète avertit Ninive du danger qui la menace et l'encourage ironiquement à organiser sa défense. Le moment est venu où l'Eternel va briser l'instrument dont Il s'est si longtemps servi pour abaisser et châtier son peuple. Bientôt, le destructeur entoure la cité reine. Ses chariots de guerre, armés de faux, étincellent au soleil ; les lances frémissent dans les mains de ses fiers soldats couverts de boucliers resplendissants. Ninive est tout à coup saisie d'effroi. Dans toutes ses rues, sur toutes ses places, les chars s'élancent et se heurtent violemment. Le roi se rassure en pensant que ses guerriers se précipitent vers les remparts. Mais la brèche est faite, les portes du fleuve sont ouvertes, et le palais royal rapidement détruit (2 : 3-6).

            Quelle scène ! On croit assister au siège et à la prise de Ninive. Comme une reine emmenée en captivité, elle apparaît au milieu des autres villes de l'empire qui gémissent comme des colombes et se frappent la poitrine. Ninive regorgeait d'habitants, mais ils s‘enfuient. Arrêtez-vous, arrêtez-vous, leur crie-t-elle. Mais  personne ne se retourne. La ville est tout entière au pouvoir des ennemis. Pillez l'argent, pillez l'or, leur dit le prophète. Ses trésors ne peuvent se compter ; ses vases précieux sont en grand nombre.  Elle est vidée, elle est détruite. Les coeurs se fondent, les genoux s'entrechoquent, la pâleur de la mort se lit sur tous les visages. Le repaire du sang est détruit pour toujours (2 : 7-10).

            La dernière partie de la prophétie (chap. 3) revient sur les causes de la ruine de Ninive. Après cet acte d'accusation accablant, l'exécution de la sentence suit immédiatement. Nous sommes tout à coup transportés au milieu de la mêlée. « Bruit du fouet et fracas des roues, et galop des chevaux, et chars qui bondissent ; … le cavalier qui s'élance, et la flamme de l'épée, et l'éclair de la lance, et une multitude de tués, et des monceaux de corps morts, et des cadavres sans fin ! on trébuche sur les cadavres ! » (Nahum 3 : 2-3).

            Pourquoi toute cette désolation, toute cette ruine ? « Voici, j'en veux à toi, dit l'Eternel des armées, et je relèverai les pans de ta robe sur ton visage, et je montrerai aux nations ta nudité, et aux royaumes ta honte » (v. 5). Qui aura compassion d'elle ? Où trouvera-t-elle des consolateurs ? Le prophète prononce cette prophétie en Israël : quel affront pour les Ninivites d'entendre les habitants de Jérusalem s'écrier avec dédain : « Ninive est dévastée ! » (v. 7).

 

 Bien des années après, Sophonie, sous le règne du pieux Josias, parle le même langage. Il annonce les mêmes jugements. L'Eternel détruira à son tour l'Assyrie. Il en fera un lieu aride comme un désert. Les troupeaux se coucheront au milieu d'elle, toutes les bêtes en foule ; le pélican aussi et le butor passeront la nuit sur ses chapiteaux ; leur cri retentira aux fenêtres. La désolation sera sur le seuil des maisons ; les lambris de cèdre seront mis à nu. Cette ville orgueilleuse disait en son coeur : Moi, et à part moi, nulle autre. Comment a-t-elle été réduite en désert ? (Soph. 2 : 13-15).

            La prophétie de Nahum avait positivement annoncé que Ninive serait détruite en partie par l'eau (1 : 8) et en partie par le feu (3 : 15) ; elle  avait annoncé que l'Eternel passerait sur Ninive comme une flamme, comme un débordement d'eau et qu'elle serait entièrement détruite. Tout s'est accompli.

Ainsi passera - avec les quatre empires universels - la cité qui a séduit les nations, pour faire place au royaume du Fils de l'homme qui, lui, ne passera pas. Comme Jérusalem a survécu à la cité royale d'Assur, Israël survivra à la Babylone prophétique et régnera avec le Seigneur, éternellement. Un ange descendant du ciel  criera : Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la grande ! (Apoc. 18 : 1-2). Les empires passent mais le peuple de Dieu demeure, et la Parole de Dieu subsiste à toujours.

 

 

 

CONCLUSION

 

            On ne possède sur la vie de Jonas que le court fragment que nous venons de considérer ; mais que d'enseignements il contient ! Combien de précieuses pensées il nous suggère au sujet des relations intimes entre la créature et son Créateur ! En aurions-nous su davantage si nous avions eu sous les yeux la vie entière du prophète ! Nous la connaîtrons un jour, de même que la biographie de tous les enfants de Dieu. Leur histoire complète sera solennellement déroulée dans la journée de Christ. Quel thème inépuisable d'actions de grâces il en résultera devant Son incompréhensible amour !

 On aimerait savoir d'une manière positive comment Jonas termina sa carrière. Le Saint Esprit a trouvé bon de nous le cacher ; désirons plutôt mettre à profit ce qu'Il nous révèle. Il a ses raisons pour ne nous donner qu'un « fragment » de la carrière du prophète. C'est apparemment la seule partie de sa vie qui se soit liée au but que Dieu se proposait dans cette affaire. Résumons, en l'accompagnant de quelques développements nouveaux, nos méditations précédentes.

            D'abord, le livre de Jonas a manifestement un but moral. Il montre ce qu'est la nature humaine. N'y voir qu'un simple épisode de la vie du fils d'Amitthaï serait insuffisant. Non, ce livre n'est pas simplement l'histoire d'un homme, mais plutôt celle de l'homme. L'homme - tel que la chute en Eden l'a rendu - ayant la chair en lui, on retrouve celle-ci chez l'enfant de Dieu comme chez celui qui est dans ses péchés. Elle ne peut changer, nous devons la tenir dans la mort. Paul avait fait cette expérience pour lui-même (Rom. 7). Plus l'Esprit de Dieu nous éclaire, plus nous découvrons en nous ce « moi » en qui il n'y a aucun bien. Nous le voyons en activité chez Jonas et tant d'autres personnes dans la Bible. Sa façon de se montrer varie d'un individu à l'autre; mais ses manifestations se retrouvent chez tous. Le même égoïsme se voit chez tous les fils d'Adam ; la même résistance à la volonté de Dieu ; le même soin pour assurer son bien-être, souvent au préjudice de notre prochain. Il y a le même désir secret de ne pas être privés du moindre objet de nos voeux, les mêmes mouvements d'impatience, de dépit ; les même luttes et la même contestation avec le Seigneur. Placés dans des circonstances semblables à celles de Jonas, notre conduite n'aurait sans doute pas été meilleure que la sienne. Sous la plume de l'inspiration divine, la description de notre état intérieur ne brillerait guère non plus.

            Jonas est là pour nous rappeler ce que nous sommes, afin que nous en soyons humiliés. Sa vie est un miroir sur lequel nous lisons : Tu es cet homme-là ! Mais Jonas est là aussi pour nous rassurer. Le Seigneur sait que, dans la vie des siens, il est de ces moments pénibles où, sentant plus vivement leur misère, sondant mieux la plaie de leur coeur, ils se demandent s'ils lui appartiennent réellement. Dieu a jugé bon de consigner, dans le livre de Jonas et dans toute sa Parole, le récit détaillé des erreurs et des faiblesses des siens. L'enfant de Dieu sent tout le prix de ces pages où le Seigneur nous initie à tout ce qu'il y a de plus intime dans ses relations avec ses rachetés. Il lève un peu le voile du sanctuaire et nous laisse entrevoir le mal qui peut se trouver même là (Ezé. 8). Ces pages de la Bible, qui sont un piège et une souillure pour les hypocrites, fortifient le chrétien ; elles le rassurent et le consolent. Il y discerne la prévoyance paternelle de son Dieu ; il comprend sa sagesse et sent son coeur renaître ; il s'approche avec plus de liberté du trône de la grâce.

            Abaisser ainsi notre coeur, le relever si le besoin se fait sentir, tel est le but de ce livre de Jonas et de toute la Bible. Il nous montre la turpitude de l'homme mais plus encore la gloire de Dieu. Nous voyons Sa sagesse dans la manière dont Il parle au rebelle pour le ramener dans le droit sentier. Sa gloire se discerne aussi dans la façon dont Il triomphe à la fin. Dieu a toujours le dernier mot dans les luttes que notre malice l'oblige à soutenir avec nous ; sa main paternelle nous garde et nous soutient jusque dans les plus sévères disciplines qu'elle nous inflige. Elle est notre délivrance quand Il décide de nous montrer sa miséricorde. Jonas proclame aussi la gloire de Sa justice et de Sa sainteté. Nous  touchons du doigt que les avertissements de Dieu ne sont pas vains, et qu'Il ne tient pas le coupable pour innocent. « Ton péché te trouvera », dit-Il. Parole confirmée par l'expérience : celui qui fait le mal, prépare la verge qui le fouettera. Si le pécheur marche en suivant ses penchants et sa volonté propre, la douleur le suivra pas à pas. Si on boit à la coupe de la volupté, on trouve au fond une lie amère.

             Si l'histoire de Jonas exalte la gloire de la sagesse, de la puissance de Dieu, de sa justice et de sa sainteté, elle exalte avant tout la gloire de Sa grâce. Il fait miséricorde à qui Il fait miséricorde. Il n'y a aucun péché dont notre coeur déchu ne puisse être capable. L'histoire du prophète met en évidence une grâce qui surabonde.

Enfin le livre de Jonas proclame la gloire de Dieu en nous sanctifiant. Le mensonge du « libre arbitre » et de la sainteté naturelle de l'homme sont mis en évidence ! Si le péché ne règne plus sur les saints, l'humiliante vérité à apprendre est qu'il habite encore en eux. Le fidèle, qui lutte contre le péché, sait bien que ce dernier conserve encore sa vigueur, même dans un coeur sanctifié. Notre expérience est là pour nous le prouver. La Bible entière le confirme. Mais, en même temps, on trouve dans ce livre de Jonas la réjouissante révélation de toute la puissance de la grâce de Dieu pour qu'il ne domine pas sur nous !

Cette page de l'histoire du prophète permet de considérer la condescendance de Dieu, son long support. Jouissons de l'amour du Seigneur. Il veut bénir ; laissons-Le nous aimer et nous entourer de ses soins. Aspirons en même temps à réfléchir sur les manifestations de son amour. Le Seigneur nous laisse deviner comment, par l'irrésistible douceur de sa grâce, il fait fondre un jour notre coeur de pierre qui résistait encore au marteau de sa Parole. Appliquons ce « secret » de Dieu à nos semblables, et surmontons le mal par le bien.

 Un jour, Moïse a dit à l'Eternel : « Fais-moi voir, je te prie, ta gloire » ; il a reçu cette précieuse réponse : « Je ferai passer toute ma bonté devant ta face » (Ex. 33 : 18-19). Tel est le chemin dans lequel Dieu marche. En suivant son exemple, marchons dans l'amour « comme de bien-aimés enfants » (Eph. 5 : 1) !

Nous venons de nous exhorter à imiter Dieu. Nous voudrions ajouter : Imitons aussi Jonas. Non pas, bien sûr, son égoïsme, mais sa sincérité. Il se montre tel qu'il est ; et nous préférons sa franchise, son impatience et son dépit, aux attitudes hypocrites du formalisme. Dans ce récit, il révèle des choses qui se sont passées entre l'Eternel et lui seul. Ce n'est pas la gloire qui vient des hommes que Jonas recherche. N'est-il pas, avec beaucoup de misère, un fruit de la grâce divine ?

            Imitons Jonas : craignons de donner de notre état moral une idée trop avantageuse ! Respectons la vérité ; ne cherchons pas à nous faire passer pour plus spirituels, plus avancés dans la sainteté pratique que nous ne le sommes en réalité. Que Dieu seul soit haut élevé ! Il ne donnera pas sa gloire à un autre (Es. 42 : 8) et résistera toujours aux prétentions de notre vanité. Disons uniquement comme nous le ferons éternellement : Digne est l'Agneau (Apoc. 5 : 12) !

 

            Déjà utile par son côté moral, ce livre l'est encore plus au point de vue symbolique. Jonas n'est sans doute qu'une pâle figure de Christ dans ses souffrances, sa mort et sa résurrection. Ce livre rappelle, plutôt sous forme de contraste, l'histoire de l'Homme-Dieu parfaitement obéissant. Les personnages de l'Ancien Testament sont des miroirs réfléchissants pour, souvent, un seul des rayons de la gloire du Rédempteur.

Jonas nous apparaît comme un prédicateur récalcitrant auprès des Gentils. Quel contraste avec Christ dont tout le ministère a été marqué par un dévouement absolu !

            Le livre de Jonas peut aussi être considéré comme l'histoire symbolique du peuple juif. Il personnifie sa nation dans ses relations avec l'Eternel et avec les Gentils. Le prophète rappelle le fils aîné de la parabole de l'enfant prodigue ; il représente les Juifs et rappelle les dispositions qu'Israël aurait à l'égard des nations. Il y a chez lui la même ignorance des oracles et des desseins de Dieu que chez eux ; le même mauvais désir à l'égard des païens.

Par la lecture des prophéties que l'on possédait déjà de son vivant, et d'après la parole de l'Eternel à Abraham, Jonas aurait dû comprendre que tous les peuples de la terre seraient bénis, un jour, dans la descendance spirituelle de ce patriarche. C'était l'intention arrêtée du Seigneur de répandre la connaissance de son Nom parmi tous les hommes. Mais le prophète ne paraît même pas s'en douter. Voyez sa répugnance à aller porter aux nations le message divin ; voyez sa dureté, sa jalousie envers elles. C'est bien le peuple juif qui, n'entrant point dans les pensées de Dieu, ne veut absolument pas que le Gentil ait part à la repentance et à la vie. Il entend garder pour lui seul les lumières de la Révélation. Entre le prophète et la nation, la similitude à cet égard est frappante. Quiconque a lu les Actes et les Epîtres sait de quel déplorable égoïsme Israël a fait preuve à cet égard, avec quelle jalousie et quel dépit il a vu les apôtres se tourner vers les nations. Ce que nous avons particulièrement à coeur de faire remarquer ici, c'est que les hommes les plus éminents en Israël -  les apôtres, les prophètes, les évangélistes - participèrent plus ou moins à cette répugnance, aux misérables préjugés de leurs compatriotes. Vainement, l'Eternel avait pourtant dit à Abraham : Toutes les nations de la terre seront bénies en ta semence ; en vain l'avait-Il fait annoncer ensuite par tous les prophètes. Ils n'avaient pas compris les oracles qu'ils entendaient pourtant lire tous les jours dans les synagogues ! Ils n'avaient pas compris que le Seigneur lui-même leur enjoignait d'évangéliser toute créature. Pierre dit aux Juifs : « C'est à vous d'abord que Dieu, qui a suscité son Serviteur, l'a envoyé pour vous bénir » (Act. 3 : 26). Ce « d'abord » ne supposait-il pas un  autre appel ? Selon la promesse de l'Eternel à Abraham à laquelle Pierre fait évidemment allusion, cet appel ne pouvait-il pas concerner aussi les Gentils ? L'apôtre le réalisait-il vraiment ? Il apporte une parole que l'Esprit Saint lui a confiée, sans peut-être en comprendre la portée ; le voile de l'étroitesse et de la jalousie nationale demeurait-il encore sur son coeur ? Il faudra qu'une révélation formelle et un ordre spécial lui soient adressés (Act. 10 et 11), sinon il n'aurait pas consenti à annoncer aux Gentils la grâce de Celui que l'Esprit saint, par la bouche de tous les prophètes, avait cependant donné ordre de proclamer ! L'homme ne comprend pas ce qu'il y a de plus clair dans la Bible. Il faut que le divin Interprète lui en donne l'intelligence (Act. 8 : 31-35). Les Juifs sont souvent aveugles entre les aveugles, égarés par leur antipathie nationale et leurs préjugés.

            Toutefois, à côté de l'homme rebelle à la pensée Dieu, on trouve aussi chez Jonas, un homme qui obéit sans discussion. Sous ce nouvel aspect, il personnifie encore le peuple juif mais celui de demain, enfin soumis à l'Eternel, un messager docile auprès des Gentils.

Quand Jonas court annoncer que le jugement est tout proche, il n'est pas question dans sa prédication de repentance et de rémission des péchés. Il ne publie pas non plus que Dieu n'est pas seulement le Dieu des Juifs, mais aussi des Gentils.

Au commencement de l'Eglise, en revanche, un certain nombre d'Hébreux sont venus par grâce se placer sous le joug du Seigneur Jésus, formant le premier noyau de l'Assemblée. La nation juive tout entière - représentée par le résidu - offrira bientôt le même spectacle, en annonçant aux nations l'Evangile éternel, à l'aube milléniale. L'immuable parole des prophètes s'accomplira, quand sonnera l'heure prévue dans les conseils de Dieu (Es. 2 : 3 ;  66 : 18-21 ; Michée 5 : 7-8 ; Zach. 8 : 11-13).

Mais le livre de Jonas parle aussi un peu du Seigneur dans ses relations avec les Gentils et Israël. Ninive, illustre devancière de Babylone, est  le symbole « anticipé » des nations ; la repentance et le salut de cette ville sont un emblème de ce qui doit se passer le jour où l'Eternel se fera connaître à tous comme le souverain Juge, Lui aussi le Sauveur du monde et le Seigneur de tous. La délivrance de Ninive est une image de ce moment-là. Elle laissait entrevoir aux Juifs - s'ils se montraient attentifs - leur destinée future : être porteurs de la Parole à tous les autres peuples de la terre. Elle leur faisait pressentir que le royaume du Messie serait un jour accessible à tous les hommes et que les Gentils y entreraient avec empressement, tandis que - fiers de leur descendance d'Abraham selon la chair - les enfants du royaume se jugeraient eux-mêmes indignes des bénédictions célestes et seraient, de ce fait, devancés par les étrangers et les gens du dehors.

            La conduite de l'Eternel envers Ninive apparaît donc comme une annonce prophétique de ce qui va arriver, en principe, en faveur du monde entier au début de la période milléniale. Quel spectacle magnifique sera donné au ciel et à la terre, au grand jour où le Christ viendra solennellement prendre possession de son royaume !

Il y a des siècles que le Seigneur annonce ses jugements aux nations christianisées, et les convie, par le moyen de ses évangélistes, à recevoir la repentance. Le jugement approche,  le Seigneur est à la porte. A la voix de ses messagers, de nombreux pécheurs se tournent des idoles vers Dieu. Mais, incrédule et moqueur, le monde dans son ensemble persiste dans sa révolte. La coupe de l'iniquité se remplit de jour en jour ; bientôt elle débordera.

Alors le Seigneur se lèvera pour exécuter la vengeance ; Il abolira la religion de forme, dévoilera et châtiera l'hypocrisie. Il se lèvera pour fouler dans la cuve de son courroux tous les méchants qui corrompent la terre, pour briser leur chef, le Fils de perdition et lier Satan lui-même en l'enfermant durant mille ans dans l'abîme afin qu'il ne séduise plus les nations.

Puis, assis sur le trône de sa gloire, le Fils de David accomplira les promesses. Il avait dit à Abraham que toutes les familles de la terre seraient bénies en lui. Cette promesse aura alors son plein effet.

Hâtons la venue de ce jour glorieux et, anticipant cette espérance, écrions-nous avec les prophètes : L'Eternel règne. Chantez à l'Eternel un cantique nouveau ; vous, toute la terre, chantez à l'Eternel; familles des peuples, rendez à l'Eternel la gloire due à son Nom !

 

            Enfin, le livre de Jonas laisse pressentir ce que l'Eternel doit être un jour pour tous les enfants d'Abraham, comme le père de la foi. Privée à juste titre, pour un temps, des privilèges dont les Gentils ont joui à sa place, la nation juive est, jusqu'à la grande tribulation, sous les effets de la colère de Dieu. Elle n'est cependant pas délaissée. Le Seigneur l'a merveilleusement soutenue à travers les jugements et visiblement gardée pour le jour de la miséricorde. Dans le désert qu'elle achève de traverser, la puissance et l'amour de Dieu ont toujours été pour elle comme un kikajon pour la protéger. L'heure vient où le Seigneur, après avoir rassemblé le peuple qu'il va retirer d'entre les Gentils, relèvera le Tabernacle de David qui est en ruines, et réparera ses brèches. Il fera cesser les infidélités de Jacob et reprendra l'épouse terrestre qu'Il avait momentanément répudiée.

L'heure vient où le signe de Jonas et du Fils de l'homme se réalisera au milieu de cet Israël, toujours bien-aimé à cause des pères (Rom. 11 : 28). Ils marcheront à la lumière du Dieu de Jacob. Par son amour, le Sauveur brisera ces coeurs durs que nulle discipline n'a jusqu'ici réussi à vaincre.

Ils contempleront alors Celui qu'ils ont percé et ils mèneront deuil sur Lui comme sur un fils unique (Zach. 12 : 10). S'humiliant à ses pieds de leur égoïsme, de leur aveuglement, de la dureté de leur coeur, de tous leurs crimes, ils déposeront enfin les armes devant Son amour. Ils proclameront devant les peuples Sa clémence et Sa fidélité. Les gens des nations se réjouiront avec Israël, et Israël avec eux.

 Sauvés par la même grâce, lavés dans le même sang, tous les rachetés chanteront le même cantique (Ps. 100 ; Rom. 15 : 8-13). La création prendra part, elle aussi, à la joie d'Israël et des Gentils. Le Seigneur aime toutes ses créatures, et Il trouvera enfin, dans cette merveilleuse scène, son repos et sa joie (Ps. 104 : 31 ; Rom. 8 : 18-25 ; Col. 1 : 19-20). 

 

Nous avons essayé d'exposer la double intention du livre de Jonas en rappelant le but de cet échange étonnant qui se déroule entre l'Eternel et son serviteur. Que de sujets de méditation cette brève prophétie suggère en quarante-huit versets ! Nous avons déjà fait remarquer sa conclusion soudaine, et nous l'avons expliquée par la confusion du prophète : par son silence, l'auteur exprime son regret plus éloquemment qu'il n'aurait pu le faire par les paroles les plus énergiques. Néanmoins, cette fin brusque et inattendue du livre a peut-être une autre explication : Jonas a probablement voulu nous laisser sous l'impression des dernières paroles que Dieu venait de prononcer. Quoi qu'il en soit, savourons le parfum de ces paroles admirables que l'Eternel adresse à la conscience et au coeur du prophète : « Et moi, je n'aurais pas pitié de Ninive, la grande ville, dans laquelle il y a plus de cent vingt mille êtres humains, qui ne savent pas distinguer entre leur droite et leur gauche, et aussi beaucoup de bétail ! (4 : 11). Qu'elles soient un baume pour celui parmi nous dont le coeur est brisé et qu'elles demeurent dans notre coeur après avoir fermé ce précieux petit livre.

« Dieu est amour » (1 Jean 4 : 16). N'est-ce pas le dernier mot de Jonas et de toute la Bible ? Que ce soit aussi le dernier de la faible ébauche que nous venons d'esquisser, avec le souhait qu'elle contribue à l'édification de l'Eglise de Dieu.

 

 

                                                          D'après E. Guers – « Jonas, fils d'Amitthaï »  1846