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LE LIVRE DU PROPHETE HABAKUK (2b)
 
 
2 - Le « chant des malheurs », prélude de la gloire future (v. 6-20)
 
            Le « chant des malheurs » est un véritable poème, composé de cinq strophes commençant par le mot « malheur ». Le troisième verset des quatre premières strophes commence par le mot « car » et donne l'impression des choeurs antiques, tirant la conclusion du « malheur » annoncé dans les deux premiers versets (cf. Ex. 15 : 20).
 
            « Tous ceux-ci ne proféreront-ils pas sur lui un proverbe, et une allégorie et des énigmes contre lui ? » (v. 6).
            Nous sommes avertis ici que ce qui va suivre n'a pas la simple portée d'une exécration prononcée par les opprimés contre leurs oppresseurs. Ce chant proféré contre le Chaldéen nous conduit jusqu'à la fin des temps. Pas une fois le monarque en question n'est nommé, car les caractères dont il est stigmatisé n'appartiennent pas à lui seul. C'est un proverbe, une allégorie qu'il faut comprendre, une énigme qu'il est nécessaire de déchiffrer, et qui nous amènent jusqu'à l'établissement du règne glorieux de Christ.
            Les « malheurs » rappellent en certains points ceux qui sont prononcés en Esaïe 5 et en Michée 2 : 1-2, mais ceux-là s'adressaient au peuple d'Israël, ceux-ci aux nations et à leur chef. Ce chant sur Babylone et son Roi est la réponse finale de l'Éternel au second « pourquoi » du prophète, ayant trait à l'oppresseur de son peuple (1 : 13). Dieu avait commencé par répondre à son serviteur bien-aimé, veillant sur la tour pour voir ce que son Dieu lui dirait, que la première condition pour le juste était sa foi. Celle-ci ne pouvait espérer la répression immédiate du mal ; il fallait vivre de foi, de patience, et ne pas compter sur la réalisation prochaine des choses qu'on espérait. Et de fait la foi est cette réalisation jusqu'à ce qu'elle soit changée en vue.
 
                        Première strophe

            « Malheur à qui accumule ce qui n'est pas à lui... jusques à quand ?- et qui se charge d'un fardeau de gages ! Ne se lèveront-ils pas subitement, ceux qui te mordront ? et ne s'éveilleront-ils pas, ceux qui te tourmenteront? et tu seras leur proie. Car tu as pillé beaucoup de nations, et tout le reste des peuples te pillera, à cause du sang des hommes et de la violence faite au pays, à la ville, et à tous ceux qui y habitent » (v. 6-8).
            Le premier « malheur » est prononcé sur celui qui accumule le bien des autres, un bien qui ne lui appartient pas. Il se charge d'un fardeau de gages contre ses prêts usuraires. Les mêmes choses s'étaient vues en Israël (Amos 2 :  6-8). Le jeu de mots : « gages » ou « boue épaisse », indique que ces odieuses déprédations du Chaldéen ne pouvaient avoir pour résultat que sa honte, qu'il n'en récolterait d'autre avantage que le mépris pour la saleté de son usure. Ces procédés sont une chose abominable aux yeux de Dieu. Combien de rétributions, s'ils se rendaient compte de l'abjection de tels actes, les chefs des nations pourraient-ils éviter pour eux-mêmes et pour les peuples qu'ils dirigent !
            Le « jusques à quand ? » mis dans la bouche des opprimés qui chantent, me semble correspondre à celui du prophète au sujet d'Israël (1: 2). C'est le « jusques à quand ? » des nations. Par la foi, Habakuk a appris à patienter et il sait que la vision ne mentira pas, mais les nations qui seront épargnées devront aussi attendre la réalisation de cette espérance. Subitement, cet homme qui s'empare du bien des autres pour s'enrichir, sera attaqué par ceux qu'il avait dépouillés. Comme un voleur assailli par les chiens, il sera mordu par les nations et deviendra leur proie à son tour (v. 7). Le verset 8 est la conclusion et la confirmation de ce qui précède. Cet homme avait pillé ; le résidu des peuples qui sera épargné pour assister à l'avènement du Christ (car, n'oublions pas que la chute de Babylone n'est qu'une allégorie des temps de la fin) pillera à son tour l'usurpateur. Cette vengeance n'aura pas seulement pour cause le sang des hommes versé par cette nation cruelle, mais «la violence faite au pays, à la ville et à tous ceux qui y habitent ».
            Devant l'iniquité de son peuple le prophète avait crié: « Violence ! » et « Jusques à quand ? ». Dieu lui avait répondu que cette violence serait punie par celle que le Chaldéen exercerait sur Israël. Mais maintenant le moment est venu où la violence du Chaldéen contre Israël sera punie par les nations. C'est ainsi qu'une rétribution succède à l'autre dans le gouvernement de Dieu. Le pays, la ville et ceux qui y habitent sont, sans aucun doute, malgré les affirmations des critiques, la Palestine, Jérusalem et ses habitants ; il ne semble donc pas nécessaire d'en fournir les innombrables preuves. Dieu ne perd jamais son peuple de vue. Si l'iniquité commise par l'ennemi, si les pillages et les meurtres dont il s'est rendu coupable à l'égard des nations, trouvent une juste rétribution, à combien plus forte raison quand sa violence s'abat sur Israël, que Dieu a sans doute momentanément abandonné, mais avec lequel il renouera ses relations, lorsque les jugements seront passés.
            Jamais Dieu n'oublie ceux qui lui appartiennent en propre, et, s'il lui plaît de les discipliner, malheur à ceux qui y cherchent leur propre profit.
 
 
                         Deuxième strophe
 
            « Malheur à qui fait un gain inique pour sa maison, afin de placer haut son nid, pour échapper à la main du malheur. Tu as pris conseil pour couvrir de honte ta maison, pour détruire beaucoup de peuples, et tu as péché contre ta propre âme. Car de la muraille, la pierre crie, et de la charpente, le chevron répond! » (v. 9-11).
            L'ennemi est accusé ici de faire un gain inique pour se bâtir une maison stable qui n'ait pas à craindre l'adversité (voyez Jér. 22 : 13). Il voudrait, de cette manière, conjurer tout malheur, et c'est alors que le malheur l'atteint. Bien que les particuliers puissent se les appliquer, ces reproches s'adressent, tout du long, aux potentats. Une lourde et terrible responsabilité pèse sur eux, et ce caractère de la plupart des têtes couronnées, ne se reproduit-il pas sans cesse dans l'histoire ?
            Violer le territoire des autres nations et s'en emparer pour s'agrandir, puis fonder la grandeur de sa propre maison sur ce qu'on a extorqué aux autres, placer haut son nid ; établir la puissance de sa famille, n'est-ce pas l'histoire des Napoléons et de tous les empereurs ? Le même orgueil poussait Édom à faire son nid parmi les étoiles (Abd. 4). Tous ces desseins, si laborieusement conçus, n'aboutissent, en fin de compte, qu'à couvrir de honte la maison que les princes tenaient à élever si haut. Ils se trouvent avoir péché contre leur propre vie. Chaque pierre, chaque chevron de la charpente de cet édifice bâti sur la fraude par l'ambition et l'orgueil sera un témoin vivant contre l'oppresseur. D'autre part, jamais l'homme de foi ne songe à agrandir sa maison; son bonheur et sa gloire sont d'accumuler, comme David, les matériaux qui établissent la maison de son Dieu. C'est ce que firent aussi Salomon, Joas et Josias (1 Rois 5 : 18 ; 2 Rois 12 : 12 ; 22 : 6) pour agrandir et consolider le temple de l'Éternel.
 
                        Troisième strophe

            « Malheur à celui qui bâtit une ville avec du sang et qui établit une cité sur l'iniquité ! Voici, n'est-ce pas de par l'Éternel des armées que les peuples travaillent pour le feu, et que les peuplades se lassent pour néant ? Car la terre sera pleine de la connaissance de la gloire de l'Éternel, comme les eaux couvrent le fond de la mer » (v. 12-14).
            Le premier malheur parlait de la nation, le second de la « maison » ; le troisième nous entretient de la capitale. Ce n'est pas « la ville » (Jérusalem), comme au verset 8, mais une ville, une cité. Dans son application immédiate au Chaldéen, ce passage nous parle de Babylone qui s'était fondée sur le carnage des nations et le sang des hommes. Il en était de même de Ninive (Nahum 3 : 1). Tout ce travail des peuples aboutira au feu du jugement et leurs efforts n'auront pour résultat que la ruine : rien n'en subsistera ; « ils se lassent pour néant ».
            N'est-ce pas une chose solennelle de penser que toute la gloire, les richesses, le renom de beauté dont sont parées les grandes capitales des royaumes, devront disparaître et seront englouties dans le néant? Mais la foi voit et comprend cette « énigme » et la raison de tous ces bouleversements. Le royaume éternel de Christ ne peut être établi que sur le jugement du mal ; il faut, pour le fonder, que l'iniquité disparaisse et que tout ce qui s'élève contre le Dominateur de la terre soit abaissé et humilié.
            Le chemin de l'Éternel ne peut être aplani que par le nivellement des hautes montagnes (Es. 40 : 3-5). Alors la gloire de l'Éternel sera connue du monde entier et le remplira. Le mal sera comme noyé dans les profondeurs de la mer. De tout temps le Seigneur avait annoncé que ces choses arriveraient en dépit des jugements qu'il était contraint de prononcer (Nom. 14 : 21 ; Es. 11 : 9).
            Nous trouvons ici, en un seul verset, le tableau du règne glorieux millénaire de Christ, décrit d'une manière si détaillée par le prophète Ésaïe. Ce sera « le rétablissement de toutes choses dont Dieu a parlé par la bouche de ses saints prophètes de tout temps » (Act. 3 : 21).
 
                        Quatrième strophe

            « Malheur à celui qui donne à boire à son prochain, - à toi qui verses ton outre, et qui aussi enivres, afin que tu regardes leur nudité ! Tu t'es rassasié d'ignominie plus que de gloire; bois, toi aussi, et découvre ton incirconcision ! La coupe de la droite de l'Éternel s'est tournée vers toi, et il y aura un honteux vomissement sur ta gloire. Car la violence faite au Liban te couvrira, et la destruction qui effraya les bêtes, à cause du sang des hommes, et de la violence faite au pays, à la ville, et à tous ceux qui y habitent » (v. 15-17).
            Cette strophe décrit la débauche abjecte et ignominieuse qui caractérisait cette orgueilleuse nation chaldéenne. Comment peut-on parler de sa gloire, quand le choeur vient de célébrer la gloire de l'Éternel ? «  Tu es rassasié d'ignominie plus que de gloire ». « Il y aura un honteux vomissement sur ta gloire », s'écrie-t-il avec une ironique amertume, et dans sa colère vengeresse.
            Toute cette corruption s'accompagne de violence ; car, depuis la chute, ces vices se sont toujours aidés et complétés mutuellement parmi les hommes réunis en société (Gen. 6 : 11-13). La gloire de l'Éternel couvrira la terre, mais la violence de l'homme ne sera pas oubliée, retombera sur lui et le couvrira. La violence (remarquez la répétition de ce mot) répondra à la violence, comme nous l'avons déjà vu au chapitre premier, et le choeur ajoute en guise de refrain, ce que l'Éternel ressent quand son pays, sa ville et ses habitants sont en butte à la violence de l'ennemi (voir v. 8).
            Le prophète Esaïe met ce chant sur le roi de Babylone, non plus dans la bouche des nations, mais dans celle d'Israël lui-même, qui exulte en voyant l'orgueil du roi de Babylone descendre dans le shéol, son sceptre brisé ! Les cèdres du Liban se réjouissent sur lui et disent : « Depuis que tu es tombé, l'abatteur n'est plus monté contre nous… Ton orgueil est descendu dans le shéol, le son de tes luths. Les vers sont étendus sous toi, et les larves sont ta couverture» (Es. 14 : 8, 11).
 
                        Cinquième strophe

            « De quel profit est l'image taillée, que l'ouvrier l'ait taillée ? A quoi sert l'image de fonte, enseignant le mensonge, pour que l'ouvrier se confie en sa propre oeuvre pour faire des idoles muettes ? Malheur à celui qui dit au bois: Réveille-toi! - à la pierre muette: Lève-toi ! Elle, elle enseignerait ? Voici, elle est plaquée d'or et d'argent, et il n'y a aucun souffle au dedans d'elle. - L'Éternel est dans le palais de sa sainteté…. que toute la terre fasse silence devant lui ! » (v. 18-20).
            Comme nous l'avons dit, la cinquième strophe diffère des autres par sa structure. Il me semble en voir la raison dans le fait que Dieu entre directement en cause. Ce n'est plus contre les nations, ni même contre le peuple de Dieu que s'est élevé l'incommensurable orgueil du roi de Babylone, mais contre l'Éternel lui-même. Il a opposé au vrai Dieu ses mensongères images de bois et de fer, d'or et d'argent. Telle est la cause capitale de sa destruction définitive. Notez que tout du long de cette « allégorie » l'Esprit de Dieu a soin de ne pas nommer le roi de Babylone. C'est une «énigme» qui, comme nous l'avons vu, dépasse de beaucoup le jugement historique du Chaldéen et va jusqu'au règne glorieux de Christ.
            L'Apocalypse nous apprend qu'une autre Babylone, dernier développement d'une religion idolâtre, paraîtra sur la scène aux derniers jours. Sa coupe d'or sera remplie d'abominations (ou d'idoles) et l'empire romain, dernière incarnation des monarchies générales, aura les mêmes prétentions idolâtres que le chef du premier empire avec sa statue d'or (Apoc. 17: 4 ; 13 : 4, 15 ; Dan. 3 : 1). Cette idolâtrie est stigmatisée par tous les prophètes (voir Es.  44 : 9-20 ; Jér. 2 : 27 ; 3 : 9, etc.).
            Il est très remarquable que ce soient « les nations et les peuples » (v. 5-6) qui prononcent ici le malheur sur les sectateurs des idoles et proclament la vanité des religions du paganisme. C'est que leur chant est un chant de la fin où elles auront abandonné le paganisme d'autrefois pour se tourner vers le vrai Dieu et reconnaître son empire. La Babylone de la fin est sous-entendue dans cette allégorie, et voici pourquoi le chant se termine en reconnaissant l'Éternel seul comme celui que les peuples adorent. Ce n'est pas seulement, comme au verset 14 la connaissance de sa gloire qui recouvre entièrement la terre renouvelée, mais la connaissance de Lui-même. Lui, sera « dans le palais de sa sainteté », dans son temple à Jérusalem, car ce terme ne s'applique pas au ciel, mais à sa maison sur la terre (Mich. 1 : 2; Ps. 11 : 4).
            Désormais la gloire de Dieu qui avait quitté le temple (Ezé. 11 : 22) y est rentrée (Ezé. 43 : 4). Toute la terre fait silence devant Lui. C'est Lui qui domine et désormais personne n'osera élever la voix en sa présence et devant sa Majesté. Digne terminaison de ce chant des peuples soumis désormais à Sa puissance. Que cette fin est belle !
            Combien le coeur angoissé du prophète doit être rassuré par cette vision de l'avenir ! Il y voit d'avance la conséquence de la foi qui a su attendre avec patience le résultat des voies de Dieu : l'orgueil de l'homme abaissé, les nations délivrées et soumises, le peuple d'Israël restauré, l'Éternel glorifié, faisant de Jérusalem et de son temple le centre de sa gloire, toutes les créatures se taisant devant Lui !
            Le prophète lui-même a oublié de « répliquer » (2 : 1), et comment le ferait-il quand Dieu, au lieu de contester avec lui, a fait passer devant ses yeux sa justice dans le jugement du mal, sa grâce envers son peuple, se montrant aussi dans la restauration des nations, sa gloire enfin, couvrant toute la terre, ce règne de justice et de paix devant lequel le monde entier ne pourra que faire silence !

                                                          D'après H. Rossier - Etudes sur la Parole de Dieu