PENSÉES SUR LE PSAUME 22 (4)
« Tu m’as répondu d’entre les cornes des buffles. J’annoncerai ton nom à mes frères, je te louerai au milieu de l’assemblée.
Vous qui craignez l’Éternel, louez-le ; toute la descendance de Jacob, glorifiez-le ; et révérez-le, vous, toute la descendance d’Israël ;
Car il n’a pas méprisé ni rejeté l’affliction de l’affligé, et ne s’est pas détourné de lui ; mais, quand celui-ci a crié vers lui, il l’a écouté.
De toi vient ma louange dans la grande assemblée. Je m’acquitterai de mes vœux devant ceux qui craignent l’Éternel.
Les humbles mangeront et seront rassasiés ; ceux qui cherchent l’Éternel le loueront ; votre cœur vivra à toujours » (v. 22b-27).
À partir de ces versets toute la scène change. Nous entrons sur le terrain des conséquences illimitées de cette œuvre infinie, et la première de toutes, présentée sans délai, c’est la louange de Christ à l’égard de Celui qui L’a délivré au moment convenable. Le Seigneur loue Dieu au milieu des saints parce que Dieu L’a délivré et Il nous invite à Le louer avec Lui non pas d’abord parce qu’Il nous a sauvés mais parce qu’Il a ressuscité Christ d’entre les morts.
Cette délivrance de Dieu, cette réponse à Jésus, on peut dire qu’elle s’est manifestée de deux manières :
- la première, en ce qu’à la fin des trois heures de l’abandon le Seigneur a retrouvé la communion avec son Père, puisqu’Il cesse alors de dire « mon Dieu » et dit « Père », comme nous le trouvons dans l’Évangile de Luc (23 : 46) ;
- la seconde a été sa résurrection et son élévation « à la droite de la Majesté dans les hauts lieux » (Héb. 1 : 3). C’est la réponse définitive.
Après les trois dernières heures, le Seigneur remet son esprit à son Père. L’œuvre de l’expiation est terminée. Mais il reste à régler la question de la mort, et de son terrible pouvoir. Sur la croix, ce qui concerne le jugement de Dieu et sa colère a été réglé ainsi que ce qui concerne Satan, puisque, quand le Seigneur s’écrie : « C’est accompli » (Jean 19 : 30), Il a déjà remporté la victoire. Mais Il avait encore à prendre en main les clés de la mort et du hadès (Apoc. 1 : 18). Il lui fallait passer partout où conduisaient les conséquences du péché. L’une de ces conséquences était la colère de Dieu ; Christ y a passé pendant les trois heures. Une autre conséquence était la mort à laquelle tous les hommes étaient assujettis. Le Seigneur entre dans la mort, Il pénètre dans ce royaume de l’homme fort avec la puissance d’une vie impérissable. Il entre dans la mort qui ne pouvait le retenir et Il en sort, ayant enlevé à Satan cette arme puissante, si bien qu’elle n’est désormais plus rien pour Christ et pour ceux qui sont en Lui. À l’égard des autres hommes aussi d’ailleurs, la mort est maintenant entre les mains du Seigneur : Il est « le premier-né des morts » (Apoc. 1 : 5).
La manière dont Christ est entré dans la mort a une très grande importance :
- Il n’est pas mort sous la colère judiciaire puisqu’Il a d’abord retrouvé la jouissance de la communion avec son Père ;
- En second lieu, Il y pénètre conscient d’avoir entièrement achevé l’œuvre, en prononçant ces mots solennels : « C’est accompli » (Jean 19 : 30) ;
- Et encore, c’est en criant à voix forte qu’Il laisse sa vie (Matt. 27 : 50), preuve que personne ne la Lui ôtait et qu’Il la laissait de lui-même par le commandement qu’il avait reçu de son Père (Jean 10 : 17) ;
- Enfin sa dépendance et sa confiance entière brillent une fois de plus dans ce dernier acte, celui de remettre son esprit entre les mains de son Père (Luc 23 : 46). Tout en ayant reçu le pouvoir de reprendre sa vie comme le pouvoir de la laisser, la parfaite dépendance du Seigneur, si l’on peut entrer dans ce mystère, ne Lui permet pas d’exercer ce pouvoir sans son Père. C’est comme une réponse de Dieu que la résurrection est présentée : « Tu m’as répondu d’entre les cornes des buffles » (v. 22b).
Lorsque l’heure de l’épreuve a été close pour Christ, lorsque le temps de son abandon a pris fin, celui de la délivrance est venu. Si Dieu avait secouru son Fils avant le moment convenable, nous n’aurions pas été sauvés. D’autre part son amour pour Lui ne permettait pas que l’épreuve se prolonge un instant de plus qu’il n’était nécessaire. Dans nos épreuves, à notre échelle, nous pouvons avoir cette confiance que la sagesse de Dieu d’une part et de l’autre son amour, donneront à nos exercices exactement la durée nécessaire.
Ce qui semble se détacher dans les versets 23 à 25, c’est l’expression de l’immense changement que le Seigneur a connu en passant des heures terribles à la joie de la communion avec le Père. Or Il veut que ses frères sachent quel Dieu est Celui qui L’a délivré et des trois heures et de la mort. Il connaît et apprécie l’intérêt que ces quelques-uns, qu’Il appelle ses frères, ont pris à sa douleur. « Que l’Éternel te réponde au jour de la détresse ! » : c’est le commencement du Psume 20, et ici, après les souffrances, lorsque tout a été parfaitement traversé, c’est le Seigneur Lui-même qui s’exprime : « Tu m’as répondu... ». Lui qui a intercédé pour que ceux qui s’attendent à Dieu, c’est-à-dire ses frères, ne soient pas rendus confus ni scandalisés par son abandon (Ps. 69 : 7), a ainsi, nous le comprenons, une grande hâte d’aller leur annoncer la merveilleuse délivrance dont Il vient d’être l’objet. Son amour attendait de ses disciples, comme Il attend maintenant de notre part, un intérêt profond du cœur dans les choses qui Le concernent, et tout particulièrement dans cette réponse que Dieu a donnée à sa foi. Et ce côté-là de la louange est peut-être trop rare. Dans notre culte nous ne devrions pas manquer de bénir Dieu pour la façon dont Il a délivré Jésus et ainsi nous unir à la joie du Seigneur qui adore et loue son Dieu, son Père, pour ce changement, qu’aucune langue ne saurait exprimer, dont Lui seul connaît la profondeur, qui Le faisait passer de la colère de Dieu à sa plus intime communion.
Si nous avions davantage le sentiment de l’épreuve affreuse à laquelle le Seigneur a été soumis et si nous pensions plus à sa douleur, à son isolement, à son abandon, nous aurions plus souvent dans nos cœurs cette note de louange pour bénir Dieu qui a délivré Jésus de ces heures indescriptibles. Il semble que ce ne soit pas fréquent dans notre culte : nous bénissons Dieu de ce qu’Il a fait pour nous, mais très peu de ce qu’Il a fait pour Christ. Les ténèbres, la colère, l’abandon, puis la pleine joie de la face de Dieu comme Jésus la connaît, voilà le changement sous-entendu ici, et célébré. Et nous pouvons d’autant plus le célébrer que, dans une certaine mesure, ce changement est aussi notre part : nous avons passé de cette condition définie par le jugement de Dieu, sans l’avoir subi, à la même faveur que celle dont Christ jouit maintenant.
« J’annoncerai ton nom à mes frères ». Non seulement Christ s’empresse de faire connaître la délivrance dont Il a été l’objet, mais Il veut révéler Celui qui en est l’auteur, car le nom c’est la personne même. Certes le Seigneur avait fait connaître ce qu’était Dieu avant d’aller à la croix, mais la pleine révélation de Dieu n’a été faite qu’après les trois heures. Tous les attributs divins ont été manifestés à la croix du Calvaire. Avant elle la révélation de Dieu par Christ était partielle, après la croix la plénitude de cette révélation est faite.
« J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu m’as donnés du monde », dit le Seigneur (Jean 17 : 6) et plus loin : « Je leur ai fait connaître ton nom et je le leur ferai connaître » (v. 26). Ici, au Psaume 22 : « J’annoncerai ton nom ». On sent dans cette expression - « ton nom » - tout l’amour du Seigneur pour le Dieu de sa délivrance, un amour dans lequel son plus cher désir est de faire entrer maintenant ceux qu’Il appelle ses frères. C’est ce qu’ajoute Jean 17 : 26 : « afin que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et moi en eux ». Toutefois ce passage de Jean 17 est plus général. C’est ce que le Seigneur a fait durant sa vie, ainsi qu’Il déclarait : « Celui qui m’a vu a vu le Père » (Jean 14 : 9), et c’est ce qu’Il continue à faire. Mais dans le verset de notre psaume cité en Hébreux 2, il y a un fait plus précis : le Seigneur veut remplir le cœur de ses frères de la joie qui est dans le sien, une joie liée à la délivrance dont Il a été l’objet et qui est aussi la leur. Il leur fait connaître le Dieu Sauveur.
« J’annoncerai ton nom à mes frères », c’est comme si le Seigneur disait : Je vais dire à mes frères quel Libérateur j’ai trouvé en toi, je vais leur parler de toi tel que j’ai appris à te connaître dans la délivrance dont j’ai été l’objet. - C’est une merveille de grâce que le Seigneur nous ouvre ainsi son cœur à l’égard de la façon dont Il a, oserait-on dire, appris à connaître son Dieu dans ses délivrances. Il est certain que Christ, avant qu’il ait souffert et qu’il ait été exaucé, n’avait jamais passé par là. Il a donc le cœur rempli de sentiments et de pensées qu’Il veut faire partager à ses frères.
Quelle marque de tendresse que d’introduire ainsi les siens dans un sujet aussi précieux pour son propre cœur ! Et c’est d’autant plus merveilleux si nous nous arrêtons à la pensée que, lorsqu’il s’est agi pour le Seigneur d’être frappé, d’avoir à subir la colère, Il ne pouvait partager cette part avec personne. Mais lorsqu’il s’agit de sa joie, Il la partage avec les siens. Et comme le Seigneur serait heureux si, lorsque nous nous souvenons de Lui dans sa mort et dans sa délivrance, nous faisions écho à la joie et à la louange qui sont dans son cœur vis-à-vis de son Dieu et Père ! C’est ce qu’Il attend. En méditant ces choses nous mesurons combien nos cultes sont souvent pauvres.
Il ne faut pas perdre de vue que c’est un homme qui parle ici. Il est Dieu, mais Il est un homme, et c’est à cet homme, qui a glorifié Dieu dans sa mort et que Dieu a délivré, que sont liés tous les saints. Le mot « frère », ici, a un sens plus large que celui auquel nous l’entendons entre nous au sens proprement chrétien. D’ailleurs au moment où le Seigneur révèle le nom de son Dieu et de son Père, après sa résurrection, le Saint Esprit n’était pas venu et l’Église n’avait pas commencé. Néanmoins la citation de ce verset dans Hébreux 2 permet d’en faire une application au peuple chrétien.
L’œuvre de Christ nous a constitués une famille sacerdotale. La bénédiction qui découle de l’œuvre de la croix s’est exercée à l’égard de tous les saints d’autrefois : Dieu, par avance, a pu les bénir en Christ, seul « médiateur entre Dieu et les hommes » (1 Tim. 2 : 5). Dieu est notre Dieu, telle est la conséquence de l’œuvre de la croix. Il semble bien que cette expression : « J’annoncerai ton nom à mes frères » n’est pas seulement la révélation que Dieu est notre Père, mais aussi le progrès que le Seigneur veut nous faire réaliser dans la connaissance et la jouissance de notre Dieu et Père, connaissance qui s’approfondit dans la mesure où, nourris de la Parole, nous vivons dans la communion avec le Seigneur. Et c’est aussi la révélation de Dieu dans nos circonstances propres : « Pour nous il est un Père », dit un cantique.
Telle est donc la précieuse nouvelle qu’avec un touchant empressement le Seigneur annonce personnellement aux siens. Les anges du tombeau rendent témoignage à sa résurrection, mais quant à la nouvelle relation dans laquelle son œuvre a dorénavant placé les siens et la connaissance de son Dieu et de son Père, le Seigneur ne laisse à nul autre le soin de les en informer.
Or c’est une connaissance qui conduit toujours à la louange. Le Seigneur chante : « Au milieu de l’assemblée je chanterai tes louanges » ; et Il désire que nous nous associions à ces louanges. Aussi avec quelle attention ne devrions-nous pas rechercher sa direction dans ce service ! « Je chanterai avec l’esprit. » (1 Cor. 14 : 15) : n’est-ce pas en somme chanter en harmonie avec le Seigneur ?
Il est évident que si nos cœurs sont sérieusement occupés de sa souffrance et de sa mort, comme aussi de sa délivrance et de sa gloire, nous aurons alors l’oreille ouverte pour entendre sa voix et être prêts à Le suivre, tout spécialement dans la louange collective. Au contraire si nos cœurs sont légers, peu sensibles à ce que Dieu a fait pour nous, nous n’aurons rien à exprimer, aucune note à joindre à sa louange.
Le Seigneur n’a qu’une seule chose en vue : la gloire de Dieu. « Je t’ai glorifié sur la terre » (Jean 17 : 4). Il avait eu cela devant Lui toute sa vie ; dans la résurrection, c’est encore la louange et la gloire de Dieu qu’Il a en vue. Avant la croix, allant à la montagne des Oliviers avec ses disciples, ils chantèrent une hymne. Quand l’oeuvre est accomplie : « au milieu de l’assemblée je chanterai tes louanges ».
Dans une même pensée Il associe son Père et ses frères. Le lien est établi. Il pense à Dieu, il pense aux siens. L’œuvre de la croix, nous ne devons jamais l’oublier, est d’abord pour Dieu et puis aussi bien sûr pour le croyant.
Soyons humiliés en considérant combien nos attitudes, nos expressions, nos activités, sont souvent conventionnelles. Cela tient à ce que notre cœur n’est pas vraiment saisi par la grâce divine. Les connaissances intellectuelles ne nous font pas défaut mais notre cœur est trop peu touché. S’il l’était comme il devrait l’être, quelle louange monterait vers Dieu et vers Christ pour son œuvre incomparable ! Si nous savions vraiment ce que c’est que la grâce manifestée en Christ, alors nos cœurs se répandraient en reconnaissance, en louange et en adoration.
Ô précieux Sauveur ! Toi qu’adore notre âme !
Agneau de Dieu, seul digne et d’hommage et d’honneur,
Qu’ici-bas comme au ciel, tout s’unisse et proclame
Ta force, ton pouvoir, ta suprême grandeur !
(Hymnes et cantiques n° 11).
Notes de réunions d’étude de la Parole de Dieu (Paris – 1957)
À suivre