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Jacob devant le pharaon

(Genèse 47 : 7-10)


Un vieillard se tenant devant le pharaon avec la dignité d’un prince de Dieu
Jacob bénit à deux reprises le pharaon
La réponse de Jacob à la question du pharaon
Les fruits de la discipline divine manifestés
 

            « Comme n'ayant rien, et possédant tout » (2 Cor. 6 : 10).

Un vieillard se tenant devant le pharaon avec la dignité d’un prince de Dieu

            En présence d'un des plus grands monarques de la terre, un vieillard est introduit. Son nom, Jacob, rappelle son caractère naturel de supplanteur. Son occupation de berger est une abomination pour les Egyptiens. Il n'a qu'un petit nombre d'hommes avec lui, peu de chose, et il est un étranger dans ce pays (Ps. 105 : 12) ; il demeure sous des tentes comme ses pères (Héb. 11 : 9). La famine a provoqué son exil, de sorte que lui et les siens dépendent dorénavant du bon vouloir du roi devant lequel il se tient.
            Mais ce vieillard est un prince de Dieu : Israël est son nouveau nom. Il fait partie de ceux que Dieu appelle « mes oints… mes prophètes », ne permettant à personne de les opprimer et reprenant des rois à cause d'eux (Ps. 105 : 14-15). Cet homme est le père de celui qu’on appelle le sauveur du monde, le grand Joseph, qui l'a personnellement introduit devant le Pharaon. Il est surtout en relation avec Dieu, et c'est ce qui lui donne, par rapport aux circonstances et aux hommes si haut placés qu'ils soient, une incontestable supériorité morale. Le Pharaon ne peut pas ne pas la sentir. Pour lui sans doute ce vieil homme est une énigme que toute la sagesse des Egyptiens serait incapable de déchiffrer. Quelle est sa raison de vivre ? Et l'on sent bien que, si Jacob avait fait valoir, au cours de cette audience, le moindre avantage humain, tout ce qu'il aurait pu dire ou montrer n'aurait fait qu'affaiblir le contraste saisissant entre la grandeur selon l'homme et la grandeur selon Dieu.


Jacob bénit à deux reprises le pharaon

            Jacob, qui n'a jamais manqué jadis une occasion de s'enrichir, va-t-il profiter de celle-ci pour quémander encore quelques avantages terrestres, un peu de la richesse de cet homme fastueux et si bien disposé à son égard ? Il ne le fait pas ! D'abord pour lui ces biens terrestres ont perdu leur attrait. Il a retrouvé Joseph, que peut-il encore désirer des choses de ce monde ? Mais surtout la moindre demande aurait complètement annulé la portée spirituelle de la rencontre. Comme Paul plus tard devant le roi Agrippa dans toute sa pompe, c'est Jacob qui doit faire envie au Pharaon, et non l'inverse. Et, de plus, c'eût été sous-estimer ce qui, par l'intermédiaire de Joseph, avait déjà été fait pour lui et les siens par le roi d'Egypte. Celui-ci n'avait-il pas déjà promis et donné « tout ce qu'il y a de meilleur au pays d'Egypte » ? (45 : 18, 20). Non, c'est Jacob le plus grand des deux, c'est lui le plus riche des deux, et c'est lui qui apporte à l'autre. Qui apporte quoi ? Il a les mains vides, et ce n'est plus le temps de venir avec un présent, comme au chapitre 43, avec « un peu de baume et un peu de miel, des épices… ». Un tel cadeau aurait déprécié le seul grand don qu'il est en mesure de faire et dont il disposera aussi ensuite en faveur de ses enfants et petits-enfants : la bénédiction divine : « Et Jacob bénit le Pharaon » (v. 7, 10).
            Cette bénédiction est un trésor auquel il a le privilège de puiser pour lui-même et pour d'autres. Jacob est là comme le représentant de son Dieu, son administrateur, dispensant de sa part cette bénédiction qui seule enrichit, en fait la seule richesse qui manque à l'homme couvert d'or qui est en face de lui. Et il lui en donne une double mesure : Jacob bénit le Pharaon en entrant, le bénit une seconde fois en sortant de devant lui.
            Remarquons bien qu'il ne s'agit pas de remerciements - comme nous n'aurions pas manqué d'en exprimer - pour tous les bienfaits dont le patriarche et sa famille avaient été les objets. Non, Jacob parle ici le même langage que l'apôtre dans l'épître aux Philippiens (4 : 19). C'est comme s'il disait : Puisque tu m'as fait du bien, c'est mon Dieu, le Dieu de Jacob, qui se chargera de ta rémunération.
            Quel contraste avec la scène humiliante du chapitre 33, où le même Jacob, qui vient de recevoir le titre de prince de Dieu, essaie d'apaiser son frère Esaü par des cadeaux ! N'avait-il rien de meilleur à lui donner ni à lui confier ? Il se prosterne bassement devant lui, son propre frère, et l’appelle « mon seigneur Esaü » (32 : 18). Ici, devant l'homme puissant, rien qui ressemble à de la flatterie. Jacob ne se courbe pas ; il est conscient d'être le plus excellent, celui qui, selon Hébreux 7 : 7, est en mesure de bénir l'autre. En fait, il ne se prosternera plus qu'une seule fois, à la fin du chapitre, mais ce sera devant son Dieu, sur le chevet du lit, adorant « appuyé sur le bout de son bâton » (Héb. 11 : 21).


La réponse de Jacob à la question du pharaon

            Aucune servilité chez Jacob, mais de l'humilité, ce qui est bien différent. La conversation s'est engagée de la façon la plus banale : « Combien sont les jours des années de ta vie ? », demande le Pharaon. Mais Jacob nous apprend une belle leçon : la sagesse d'en haut peut nous dicter, dans la conversation la plus ordinaire, une parole d’une portée morale et spirituelle.
            D’abord, le patriarche change un mot à la question et le répète avec insistance : il dit « les années de mon séjournement » au lieu de « les années de ma vie ». Pour lui, comme pour ses pères, la vie, si longue qu'elle puisse paraître, n'est qu'un « séjournement », un passage ici-bas. Et ces pharaons feraient bien de penser à l'au-delà autrement qu'en remplissant leurs tombeaux de fabuleux trésors. C'est l'étranger qui parle, c’est lui qui voit l'invisible, qui attend la cité fondée par son Dieu. Son « séjournement » : ce mot nous suffit. Ceux qui confessent de telles choses montrent clairement ce qu'ils attendent. Ils regardent en avant. Ils regardent aussi en arrière, et, justement parce qu'ils se tiennent devant Dieu, sont capables de porter sur leur passé une appréciation morale.
            En interrogeant cet homme étrange à ses yeux, le pharaon suppose peut-être que son secret est lié à son très grand âge. Voilà, se dit-il, un homme chargé d'expérience qui pourra me révéler les énigmes des jours d'autrefois (Ps. 78 : 2). Même pas ! La réponse a pu lui paraître décevante, et pourtant quel enseignement elle contient pour lui et pour nous ! Cent trente ans de vie sont résumés dans cette courte phrase : Mes jours : ils ont été courts et mauvais !


Les fruits de la discipline divine manifestés

            Humainement Jacob n'a-t-il pas beaucoup prospéré ? Sans doute, mais ce qui compte, c'est ce qui a une valeur éternelle, ce qui a été fait pour Dieu et avec lui. Jours courts : tout a passé si vite ; le voilà au soir de sa vie, faisant le bilan. De toute son activité pourtant grande, de toutes les affaires brassées, de tous les marchés conclus, de ses entreprises et de ses voyages, que reste-t-il qui puisse avoir du poids dans la balance divine ? Peu de chose ! Mais Jacob, objet de la discipline divine, a été exercé par elle et son « fruit paisible » a été produit, celui de la justice (Héb. 12 : 11), qui mûrit souvent très lentement, mais que Dieu sait attendre et veut nous faire admirer. Courts et mauvais, mais bien terminés, tels seront les jours du patriarche.
            Ce témoignage va-t-il affaiblir l'autorité morale de Jacob devant celui à qui il s'adresse ? Au contraire, il l'incite à ne pas regarder à l'homme, à élever ses regards de Jacob au Dieu de Jacob, à penser à la grande patience d'un Dieu qui, à travers l'instrument conscient de sa faiblesse et de ses insuffisances, est la seule source de bénédiction.
            Admirable scène en vérité ! On y voit briller toute la dignité morale de celui qui avait si souvent craint les hommes, mais qui, maintenant, devant l'un des plus grands, n'a pas honte de son Dieu. Et Lui, de son côté, n'aura jamais honte d'être appelé son Dieu (Héb. 11 : 16).


J. Koechlin - « Messager évangélique » (1982 p. 29-33)