bible-notes.org

Imprimer ou partager la page :

ETUDE SUR L’EPITRE AUX HEBREUX (9a)

                                         

           

CHAPITRE 9

            L’auteur de l’épître vient de dire que l’ancienne alliance allait disparaître (8 : 13). Avec elle aussi, tout ce qui s’y rattachait devait naturellement disparaître : tabernacle, sacerdoce, culte - choses qui d’ailleurs n’étaient que le symbole et l’ombre des biens à venir. L’auteur va développer cette dernière idée qu’il n’avait fait qu’indiquer (8 : 5) et ajouter ainsi de nouveaux arguments à ceux qu’il avait déjà présentés. Il ne les tirera plus de la suprême dignité de la Personne du souverain sacrificateur de l’évangile, mais de la perfection de son œuvre. Plus que jamais il aura devant les yeux le chapitre 16 du Lévitique.

            Pour établir la supériorité du nouveau sacerdoce sur l’ancien, l’auteur les compare de fait au double point de vue de leur exercice et de leurs résultats respectifs :
                        - au point de vue de leur exercice, le parallèle porte sur trois choses principales : le culte, celui qui le dirige, et le lieu dans lequel il est rendu - d’un côté, nous avons partout l’ombre, l’image, le symbole ; de l’autre partout le corps, la réalité, la substance, et, par conséquent, une infinie supériorité.
                        - au point de vue de leurs résultats respectifs, le parallèle porte sur l’état de l’homme tel qu’il est depuis la chute : coupable et sous la condamnation, séparé de la communion de Dieu, et chassé d’Eden. Dès lors, un vrai sacerdoce a trois buts principaux à atteindre : ôter le péché de l’homme et par cela même la condamnation qui pèse sur lui, le rétablir ainsi dans la communion de Dieu, et enfin lui ouvrir à nouveau le chemin du ciel caché et fermé depuis la chute, et le remettre en pleine possession de l’héritage et du bonheur qu’il a perdus.
            Nous avons donc l’image d’une part et la réalité de l’autre, et par une conséquence naturelle, nous avons l’impuissance d’un côté et la pleine efficacité de l’autre.
            Tel est le double point de vue qui domine et résume Hébreux 9 et 10 : 1-18. Ce sont les deux idées principales que l’auteur développe dans ce magnifique ensemble et qu’il y entremêle continuellement. Ainsi, d’un côté, le symbole, l’ombre, la figure, et par conséquent l’impuissance ; de l’autre, la réalité, la substance, la vérité, et par conséquent la souveraine efficacité. Les Hébreux résisteraient-ils à une si puissante argumentation ? Retourneraient-ils à ce qui n’est plus qu’une vaine et creuse image de la réalité, eux qui possédaient le corps même dans la personne et le sacerdoce du Fils de Dieu ?        

            Pour mieux comprendre ces chapitres 9 et 10, il faut encore avoir une idée générale du tabernacle, et, de plus, se familiariser avec l’une de ses grandes solennités, celle du « jour des propitiations » (Lév. 23 : 27).
            Le tabernacle proprement dit s’élevait au milieu d’un parvis, vaste enceinte fermée par des rideaux de fin coton retors suspendus à des piliers de bois de sittim (l’acacia d’Egypte ou d’Arabie). Il se composait de deux parties : le lieu saint et le lieu très saint, séparés l’un de l’autre par un grand voile, aussi de fin coton retors, brodé de bleu de pourpre et d’écarlate, et semé de chérubins en or. Les sacrificateurs entraient bien tous les jours dans le lieu saint en soulevant un premier voile appelé rideau qui en fermait l’entrée ; mais le lieu très saint, au-delà du grand voile, était l’inaccessible et mystérieux séjour du Dieu d’Israël. A la tente mobile du désert, succéda plus tard le temple de Salomon qui n’en fut que la reproduction dans des proportions naturellement agrandies. Le lieu saint et le lieu très saint avaient chacun leurs objets sacrés. Au premier appartenaient le chandelier d’or, l’autel d’or ou autel des parfums, et la table des pains de proposition toute recouverte d’or ; au second, l’arche de l’alliance et l’encensoir d’or. L’arche, ce principal ornement du tabernacle, était un coffre de bois de sittim recouvert d’or pur en dedans comme en dehors. Elle était appelée arche de l’alliance, parce qu’elle renfermait les tables de l’alliance. Un couvercle d’or massif, appelé le propitiatoire, la recouvrait entièrement ; de ses deux extrémités s’élevaient deux chérubins d’or battu, tirés d’elle-même. Leurs ailes couvraient de leur ombre l’arche et le propitiatoire, et figuraient une sorte de trône où Dieu siégeait sous le symbole éclatant de la nuée miraculeuse - de là le nom que l’Ecriture lui donne : « le Dieu qui siège entre les chérubins ». C’était du haut de ce trône emblématique qu’Il manifestait sa gloire et prononçait ses oracles. Outre les tables de l’alliance, l’arche renfermait la cruche d’or remplie de la manne du désert, miraculeusement conservée, et la verge d’Aaron qui avait bourgeonné (Ex. 25 ; 26 ; 27).
            Tel était le tabernacle que Moïse avait dressé dans le désert, sous l’immédiate direction de Dieu. C’était là que s’accomplissaient les solennités en faveur du peuple d’Israël. L’une des plus considérables était celle des propitiations. Comme elle répand un grand jour sur notre épître, il convient de la décrire avec un peu plus de détails que nous ne l’avons encore fait. Dans ce but, ouvrons le chapitre 16 du Lévitique. Ce remarquable chapitre, que l’auteur ne perd pas un instant de vue dans son épître, se divise naturellement, comme on le sait, en trois parties principales.
                        - La première (v. 1-13) prescrit les choses qu’Aaron doit faire dans le « parvis » (ou cour du tabernacle), avant d’entrer dans le sanctuaire. Il s’y dépouille de ses vêtements de gloire, et, après s’être lavé tout le corps avec de l’eau, il prend les vêtements de lin qui l’assimilent aux simples sacrificateurs ; alors, blanc de la tête aux pieds, il préfigure le Saint de Dieu qui devait accomplir notre rachat dans l’humiliation de notre nature déchue. Il prépare aussi les victimes de ce jour, tant celles qu’il doit offrir à Dieu pour lui-même et pour sa maison (un jeune taureau pour sacrifice pour le péché et un bélier pour l’holocauste), que celles qu’il doit offrir pour la nation (deux boucs pour le péché et un bélier pour l’holocauste). Il jette le sort sur les deux boucs pour désigner celui qui doit être égorgé. Il immole ensuite, au pied de l’autel, le jeune taureau. Puis, il s’avance vers le lieu saint qu’il traverse. Arrivé près du lieu très saint, il étend le bras, et, saisissant, derrière le grand voile (qu’il ne soulève pas encore tout à fait), l’encensoir d’or pur qui s’y trouve, il le garnit de charbons ardents pris à l’autel de l’holocauste. Sur les charbons, il répand les aromates réduits en poudre dont il a rempli ses mains ; et, replaçant l’encensoir dans le lieu très saint, il le laisse fumer devant l’arche, pendant qu’il va prendre à l’autel de l’holocauste le sang du taureau qu’il a égorgé. En peu de temps, le lieu très saint est tout rempli de la nuée de l’encens. C’est la première partie du service de ce grand jour.
                        - La deuxième partie du chapitre (v. 14-19) montre le souverain sacrificateur portant le sang du taureau et se rendant de l’autel de l’holocauste au propitiatoire. *Il a soulevé le premier voile, celui qui est abaissé devant l’entrée du lieu saint et le voilà devant le second. Il le soulève avec un saint tremblement ; aussitôt la gloire du lieu très saint resplendit à ses yeux, au milieu même de l’épaisse nuée d’encens dont il l’a rempli comme pour en envelopper sa personne avant de paraître devant le Dieu d’Israël. Le sang qu’il y apporte lui en a seul ouvert l’accès ; il n’y est reçu qu’avec le sang, par la vertu du sang de la victime qu’il vient d’immoler dans le parvis (Héb. 9 : 7, 12). Arrivé près de l’arche, il trempe le doigt dans le sang du taureau, puis en fait aspersion jusqu’à sept fois sur le propitiatoire qui recouvre l’arche, et devant le propitiatoire. Il retourne ensuite à l’autel de l’holocauste, égorge le bouc pour le péché du peuple, et, après avoir également pris le sang de la victime, il reprend le chemin du sanctuaire, où il répète la même cérémonie, renouvelant les mêmes aspersions sur le propitiatoire, et devant celui-ci (v. 15). Cet acte, le plus important peut-être de ce grand jour, achève l’expiation en faveur du peuple, commencée devant l’autel de l’holocauste et achevée devant l’arche. Alors seulement le peuple est sanctifié momentanément, et pleinement affranchi des peines qu’il avait encourues dans l’année qui venait de s’écouler. Le sang dont le propitiatoire a été aspergé dans ce jour solennel demeurera toute la nouvelle année sous les yeux de Celui qui siège entre les chérubins.
            En même temps que la purification des péchés du peuple, Aaron a fait celle du sanctuaire (v. 16), et l’a nettoyé des souillures des enfants d’Israël qui n’y pénètrent pas eux-mêmes, il est vrai, mais qui l’environnent de toutes parts et le souillent par leur proximité ; cette purification se trouve tout naturellement accomplie par les cérémonies que nous venons de décrire, ainsi que l’indique la liaison des versets 15 et 16.
            Le souverain sacrificateur quitte ensuite le lieu très saint où il ne rentrera plus durant un an. Le voilà de retour dans le lieu saint. Il le purifie par les mêmes aspersions de sang. N’oublions pas de dire qu’il y est seul durant les cérémonies de ce grand jour ; car un seul regard, furtif ou même involontaire de ses fils, jeté par eux dans le lieu très saint au moment où il soulevait le voile pour y entrer ou pour en ressortir, la moindre indiscrétion commise à ce moment-là, aurait, sur l’heure même, été punie de mort (v. 17). Il purifie de même l’autel d’or ou autel des parfums (Ex. 30 : 10), en mettant du sang des victimes sur les cornes de l’autel, l’élément le plus éminent du lieu saint, et le symbole spécial de la communion du Seigneur avec son peuple.
                        - Enfin, dans la suite du chapitre, nous voyons le souverain sacrificateur de retour dans le parvis, ayant achevé dans le sanctuaire tout ce que prescrit le cérémonial de ce jour. Quel moment pour la nation ! Le seul fait de ce retour annonçait à l’assemblée que la purification du peuple était accomplie, et les relations de l’Eternel avec son peuple maintenues et affermies. Aussitôt revenu dans le parvis, le souverain sacrificateur présente devant Dieu le bouc vivant resté jusqu’ici près de l’entrée du lieu saint (v. 7). Il pose les deux mains sur la tête de l’animal, il confesse ainsi toutes les iniquités des enfants d’Israël, et les met sur la tête du bouc. Puis, le bouc, ainsi chargé figurativement de tous les péchés d’Israël, est conduit au désert où il disparaît bientôt avec les iniquités du peuple (v. 21-22).
            Après cela, Aaron se lave de nouveau, et, reprenant ses vêtements de gloire, il offre à Dieu les holocaustes de ce jour (v. 23-25). Il avait présenté les sacrifices expiatoires dans les saints vêtements de lin ; il présente les holocaustes dans les vêtements de gloire. Enfin, le verset 26 prescrit les purifications que l’homme qui avait conduit le bouc au désert devait subir avant de rentrer dans le camp. Et le verset 27 précise ce qui devait être fait à l’égard de la chair du jeune taureau et de celle du bouc immolé pour le péché : c’est l’un des actes les plus remarquables de ce grand jour. Leur sang ayant été porté dans le sanctuaire pour y faire propitiation, leur chair ne pouvait pas être mangée par les sacrificateurs comme celles des offrandes expiatoires ordinaires, mais elle devait être emportée hors du camp et y être totalement consumée (Lév. 6 : 30 ; Héb. 13 : 10-12).

            Telle était la solennité des propitiations. Le service de ce grand jour revenait donc aux trois circonstances principales que nous savons : le souverain sacrificateur immolait d’abord les victimes dans le parvis ; il en portait ensuite le sang devant Dieu dans le lieu très saint ; puis, il ressortait du sanctuaire, et le fait même de son retour, comme nous l’avons déjà dit, annonçait à l’assemblée que l’expiation nationale était accomplie et qu’elle était acceptée. S’il y avait dans l’année un jour où le chef du sacerdoce lévitique était spécialement appelé à prononcer sur le peuple la solennelle bénédiction qu’il avait reçue pour lui (Nom. 6 : 22-27), c’était bien certainement le jour des propitiations.

           

Avec Jésus Christ, un meilleur sanctuaire (9 : 1-10)

            Avant tout, l’auteur de l’épître décrit ici le tabernacle et son culte (v. 1-7), et le fait succinctement, car il s’adresse à des Hébreux ; le peu qu’il en dit suffit d’ailleurs au but qu’il se propose.
            Il aborde ensuite la comparaison entre les deux sacerdoces. Le point spécial sur lequel ce parallèle s’établit est ici le chemin du ciel. La voie qui y mène était cachée et par conséquent fermée depuis la chute ; c’était ce qu’exprimaient le grand voile du tabernacle et l’ensemble des ordonnances lévitiques auxquelles l’épître fait allusion. Il s’agissait de manifester ce chemin et en même temps de l’ouvrir à nouveau.
            Le premier sacerdoce n’avait pas pu manifester le chemin du ciel, et cela par la raison toute simple qu’il était une allégorie, une parabole en action ; or, une allégorie cache plus ou moins l’objet qu’elle présente, elle le laisse entrevoir, mais elle ne le manifeste pas. A travers les ombres du culte lévitique, les croyants de l’ancienne alliance entrevoyaient sans nul doute quelque chose des vérités divines, suffisamment pour être sauvés. Ils savaient bien, par exemple, qu’il y a pour nous une meilleure patrie (Héb. 11 : 14-16) ; ils savaient aussi que le Messie, préfiguré en Lévitique 16 et ailleurs leur en ouvrirait un jour l’entrée. Mais le chemin ne leur en était pas encore révélé. Or, ce que le premier sacerdoce n’avait pu faire, le sacerdoce de Christ l’a pleinement accompli ; Jésus a mis en évidence la vie et l’incorruptibilité, dans ses enseignements comme « apôtre », puis, dans sa mort, sa résurrection et son ascension comme « souverain sacrificateur de notre confession » (3 : 1). Maintenant, ce que les anciens ne faisaient qu’entrevoir dans les ombres de la Loi, nous le contemplons sans voile dans l’évangile ; ce qu’ils ne discernaient que confusément dans le 16ème chapitre du Lévitique, nous le lisons à face découverte dans le 9ème chapitre des Hébreux. Quelle différence entre eux et nous ! Non, certes, quant au salut, quant à sa certitude qui ne dépend pas plus de la mesure de la connaissance qu’elle ne dépend de celle de la foi, mais quant à la jouissance du salut. A la lumière du Consolateur descendu sur la terre depuis que Jésus est monté au ciel, nous suivons, non plus l’ombre du souverain sacrificateur évangélique, mais le souverain sacrificateur lui-même donnant pour nous sa vie, puis, entrant dans les lieux saints après avoir obtenu une rédemption éternelle (9 : 12), afin de paraître maintenant pour nous devant la face de Dieu (v. 24). Le chrétien ne se demande pas où est le chemin du ciel ; il le connaît : c’est la foi vivante au Seigneur Jésus, c’est Jésus lui-même mort, ressuscité et paraissant pour lui devant la face de Dieu.
            Le premier sacerdoce n’avait pas davantage pu ouvrir le chemin du ciel qu’il n’avait pu le manifester, et la raison en est toujours la même : il n’était qu’une simple institution établie pour demeurer seulement jusqu’à la venue de Celui qui en est le corps, la substance, la pleine réalisation. Or, comment une simple allégorie aurait-elle ouvert le chemin du ciel ? Et qu’avait de commun, avec la purification de la conscience, tout ce culte matériel consistant en aliments, en breuvages, en immersion, en immolations typiques et autres cérémonies charnelles du même genre, imposées jusqu’au temps du rétablissement (v. 10) ? Pour ouvrir le ciel, il fallait ôter le péché, et le premier sacerdoce n’ôtait que les péchés involontaires commis par ce peuple (Lév. 16). Mais, ici encore, ce que le sacerdoce lévitique n’avait pas pu faire, ce qu’il n’était pas non plus destiné à faire, le sacerdoce évangélique l’a pleinement accompli : le voile demeuré si longtemps fermé devant tous les efforts de l’obéissance personnelle de l’homme et devant tous les sacrifices de la Loi, est déchiré en un instant devant le Christ expirant sur Golgotha. Ce que la désobéissance du premier homme avait fermé, l’obéissance du second l’a rouvert. A ce point de vue, le grand voile du tabernacle n’est plus la simple image d’un voile recouvrant un objet et le dérobant plus ou moins à nos regards ; c’est le corps de Christ offert sur le Calvaire pour nous rouvrir le chemin du ciel. L’auteur ne veut assurément pas dire que personne n’ait pu être sauvé sous le premier sacerdoce - il enseigne positivement le contraire (chap. 9 ; 11 ; Rom. 3…). Ce qu’il veut exprimer, c’est que tous ceux qui ont été sauvés sous le sacerdoce lévitique, ne l’ont pas été en vertu de ce sacerdoce, mais uniquement par la foi au grand souverain sacrificateur des biens à venir ; ce qu’il veut exprimer aussi, c’est que personne n’a pu connaître clairement le chemin du sanctuaire céleste, ni en obtenir l’entrée, tant que notre souverain sacrificateur ne l’avait pas solennellement consacré par le sang que Lui-même y a porté devant Dieu (Héb. 12 : 24).
            Il y a, en effet, une pensée de plus dans les versets 1 à 14, et en général dans les chapitres 9 et 10 : Jésus n’a pas seulement révélé le chemin du ciel, Il ne l’a pas seulement rouvert, Il l’a de plus inauguré, Il l’a pris, Il l’a suivi le premier pour entrer dans le sanctuaire immuable où il paraît pour nous devant la face de Dieu. A ce nouveau point de vue, le voile n’est plus déchiré, il est soulevé ; le voile déchiré, c’était la chair de Jésus meurtrie à la croix pour nous frayer le chemin du ciel (10 : 20) ; le voile, ou plutôt les voiles soulevés, ce sont les cieux visibles que Jésus a traversés (4 : 14) pour entrer dans le Saint des Saints où Il intervient pour nous auprès de Dieu. Les deux images se complètent mutuellement : Jésus nous a rouvert le chemin du ciel par sa mort sanglante, et Il l’a inauguré pour nous par son ascension glorieuse et son entrée triomphale dans le sanctuaire céleste.
            C’est donc là, oui, c’est dans le ciel qu’est maintenant le souverain sacrificateur de l’Eglise. Il y est entré au moyen de « son propre sang » (v. 12). Jésus ne pouvait, en effet, sortir de la tombe, puis entrer dans le ciel que par la vertu du sang qu’Il a répandu sur la terre. Sans doute le tombeau ne pouvait retenir le Fils de Dieu dans ses mystérieuses profondeurs, ni le ciel demeurer fermé pour Lui. Mais Jésus n’est pas seulement le Fils de Dieu ; Il est aussi le Fils de l’homme, la Tête, le Représentant d’une race de pécheurs, le Chef d’une nouvelle famille sacerdotale qui allait être admise au sanctuaire céleste en sa Personne. Le sang que Jésus a versé pour nous pouvait seul Lui ouvrir, et Lui a effectivement ouvert, la tombe d’abord, puis le ciel. Et, en les ouvrant l’un et l’autre, Il nous a donné une double attestation de ce grand fait qui est à la base de toutes nos espérances, c’est que Dieu a pleinement accepté le sacrifice que Jésus Lui a offert pour nous.
            Jésus est donc entré dans le sanctuaire avec son propre sang, et il est ajouté : « ayant obtenu une rédemption éternelle » (v. 12) - oui, un rachat éternel ! Telle est, en effet, la vertu du sang qu’Il a versé pour nous. N’en soyons pas surpris, car, si déjà le sang des boucs et des taureaux - et la cendre de la génisse avec laquelle on fait aspersion sur ceux qui sont souillés - possèdent, non par leur valeur intrinsèque, mais par la force de l’institution divine, la vertu de purifier l’Israélite de toute souillure cérémonielle et de l’affranchir ainsi de toute punition temporelle, en même temps que de toute incapacité légale à s’approcher de Dieu pour le servir dans son tabernacle, combien plus le sang de Christ, le Fils unique du Père (chap. 1 et 7), qui, par l’Esprit éternel, s’est offert lui-même sans tache à Dieu, purifiera-t-il notre conscience même de tout péché, et nous mettra-t-il en état de nous approcher du Dieu vivant pour lui rendre culte en esprit dans le véritable sanctuaire (v. 13-14).

            Tels sont, dans les versets 1 à 14, les traits les plus saillants du parallèle entre les deux sacerdoces. Il en est d’autres qui en découlent ou qui s’y rattachent intimement. Du verset 11 au verset 15, sont montrés les traits de supériorité du nouveau sacerdoce sur l’ancien :
                        - Le premier sacerdoce n’assurait à l’Israël ancien que la possession des biens actuels et temporels de la première alliance, notamment la purification des souillures de la chair, le rachat ou pardon légal et annuel des erreurs et la jouissance de l’héritage terrestre de Canaan ; mais le second assure à l’Israël nouveau les biens à venir, ceux de la nouvelle alliance (ch. 8), notamment la rançon réel des transgressions commises sous la première alliance, et l’héritage éternel qui a été promis (v. 15).
                        - Et ces biens incomparables, Jésus nous les a acquis au moyen d’un sang plus précieux que celui des taureaux et des boucs, car Il nous les a acquis au moyen de son propre sang. Le sang des animaux ne purifiait que la chair ; le sang de Jésus Christ purifie la conscience même.
                        - C’était à travers les voiles que le chef du sacerdoce lévitique entrait dans le lieu très saint pour assurer à Israël la possession des biens de l’ancienne alliance ; c’est à travers les cieux visibles que le chef du nouveau sacerdoce est entré dans le vrai sanctuaire pour assurer à l’Eglise la jouissance anticipée des bénédictions infiniment meilleures de la nouvelle alliance.
                        - Le premier souverain sacrificateur entrait chaque année dans le tabernacle terrestre pour répéter le même service qui n’ôtait jamais le péché ; le second est entré une seule fois dans le tabernacle céleste, d’où Il ne ressortira qu’au jour de la complète délivrance de ses rachetés. Et Il n’a pas besoin non plus de ressortir avant ce jour, leur ayant acquis par sa mort un rachat éternel.
                        - Enfin, tandis que le souverain sacrificateur de la Loi pénétrait seul dans le sanctuaire typique, le Prince du nouveau sacerdoce, entré dans le vrai sanctuaire, en a pleinement ouvert l’accès à toute sa maison qui, par Lui, s’approche librement de Dieu pour le servir et l’adorer dans l’esprit sincère et filial de l’évangile.

                        La disposition du sanctuaire

            « La première alliance, donc, avait des ordonnances pour le culte et le sanctuaire, un sanctuaire terrestre » (v. 1).
            La première alliance est celle dont l’auteur venait de parler (ch. 8), et non le premier tabernacle dont il va parler (v. 2). « Le passage signifie que toutes les cérémonies de la loi mosaïque sont une partie du Testament ancien dont il vient d’être question (8 : 13), et qu’elles sont de la même vieillesse que lui, de sorte qu’il faut qu’elles soient abolies… La première alliance avait des ordonnances pour l’édifice entier, parvis et tabernacle proprement dit - un édifice lié à la terre, mais céleste quant à sa signification » (Calvin).

            « Car un tabernacle fut construit : le premier tabernacle, qui est appelé Saint, dans lequel se trouvaient le chandelier, la table, et la présentation des pains ; et, après le second voile, un tabernacle qui est appelé Saint des Saints, contenant l’encensoir d’or et l’arche de l’alliance entièrement recouverte d’or (dans laquelle se trouvaient la cruche d’or qui renfermait la manne, le bâton d’Aaron qui avait bourgeonné, les tables de l’alliance) » (v. 2-4).
            Dans le lieu saint, le chandelier est une image du Christ qui est la lumière de nos âmes. Sur la table étaient placés les douze pains offerts à Dieu comme un témoignage de la reconnaissance des douze tribus ; puis ils étaient mangés par les sacrificateurs - autre image de Christ qui est la nourriture des croyants. Le lieu saint préfigurait l’état actuel de l’Eglise, caractérisé par la grâce. Dans la description qui est faite ici, l’autel d’or, ou autel des parfums, ne figure pas ; l’auteur semble avoir sous les yeux la première description du tabernacle, où cet instrument du culte n’est pas mentionné (Ex. 25).
            Le lieu très saint se trouvait après le second voile, celui qui en fermait l’accès ; le premier, « le rideau », était suspendu devant l’entrée du lieu saint. Le « Saint des Saints », ou lieu très saint, résidence de l’Eternel au milieu de son peuple sous la Loi, est une image du ciel où Il règne au milieu des anges élus et des « esprits des justes parvenus à la perfection » (12 : 23) -  préfiguration de l’état futur de l’Eglise, ou état de gloire.
            Dans le lieu très saint, se trouvait un encensoir d’or (2 Chr. 26 : 19 ; Ez. 8 : 11), et non un autel d’or ; les Septante ont un autre mot pour désigner un autel. D’après l’historien Josèphe, mais surtout d’après l’auteur de l’épître, l’encensoir était en effet dans ce lieu, mais probablement placé de telle manière qu’en soulevant un peu le voile, et en avançant le bras, le souverain sacrificateur pouvait aisément le prendre sans entrer encore dans cette partie du tabernacle où il ne devait pas pénétrer sans être enveloppé d’un nuage d’encens (Lév. 16 : 12-13). Cet encens qu’il y faisait brûler alors, et qui devait lui servir comme de couverture ou de manteau pour en envelopper sa personne avant de paraître devant le Saint, le Roi d’Israël, nous rappelle un encens d’une autre sorte, celui dont Jésus enveloppe continuellement notre personne et notre culte devant Dieu.
            L’arche, avec son couvercle (le propitiatoire), et les chérubins qui le couvraient de leur ombre, représentait le trône de la grâce érigé dans le ciel où Dieu réside au milieu des anges (Ex 25 : 10 ; 37 : 2). Dans cette arche de l’alliance étaient renfermés la cruche d’or qui contenait la manne, le bâton d’Aaron qui avait bourgeonné et les tables de l’alliance. Exode 16 : 33-34 et Nombres 17 : 10 placent la cruche d’or et le bâton d’Aaron devant le témoignage ; or, ces mots employés seuls désignent les tables de la Loi (Ex. 25 : 16-21 ; 30 : 6 ; 40 : 20). Mettre un objet « devant le témoignage, » c’était donc le mettre auprès de ces tables et par conséquent dans l’arche. Si, plus tard, sous le règne de Salomon, celle-ci ne renferma plus que les deux tables de pierre (1 Rois 8 : 9 ; 2 Chr. 5 : 10), il ne faut pas s’en étonner ; elle avait passé par les mains des Philistins qui l’avaient probablement dépouillée de tout ce qui avait pu tenter leur cupidité ou leur curiosité ; et, le fait même que, du temps de ce prince, l’arche ne renfermait que les tables de la Loi laisse en effet supposer qu’elle avait jadis renfermé plus que ces tables. 
            La manne (Ex. 16), qui était dans la cruche d’or, est une image de Jésus, l’impérissable aliment de notre âme, et des délices qu’Il tient en réserve pour les siens dans le siècle à venir (Apoc. 2 : 17). Et le bâton d’Aaron qui avait bourgeonné (Nom. 17) était le gage du choix irrévocable que l’Eternel avait fait de la famille de ce patriarche pour le premier sacerdoce, et l’emblème du sacerdoce permanent de Christ. Tout est figure, symbole et prophétique dans le tabernacle. Les tables de pierre de l’alliance placées dans l’arche (Deut. 10 : 2, 5) parlent de Christ qui a parfaitement accompli la Loi (Ps. 40 : 8).

            « Et, au-dessus de l’arche, des chérubins de gloire couvrant de leur ombre le propitiatoire - sur quoi il n’y a pas lieu de parler maintenant en détail » (v. 5).
            Les « chérubins de gloire » étaient ainsi nommés, tant à cause de leur éclat que de leur rapport avec les intelligences célestes qu’ils représentaient, mais surtout parce que c’était du milieu d’eux que Jéhova manifestait sa gloire (Ex. 25 : 18-22). Leurs faces étaient tournées vers le propitiatoire, cet autre emblème de Christ que « Dieu a présenté pour propitiatoire » (Rom. 3 : 25) et dont le propre sang a été versé pour nous racheter de la malédiction. C’est à cela que Pierre semble faire allusion quand il parle de ces choses « sur lesquelles les anges désirent se pencher » ; ils s'inclinent, se courbent, en quelque sorte, pour les contempler et les sonder en adorant (1 Pier. 1 : 12).
            Les chérubins couvraient le propitiatoire de l’ombre de leurs ailes étendues. Le mot hébreu rendu par « propitiatoire » signifie proprement « couvercle », comme celui qui est rendu par « faire propitiation » (ou apaiser, expier, pardonner) signifie avant tout « couvrir, cacher ». Le propitiatoire couvrait l’arche et cachait les tables de la Loi qu’elle renfermait et qui s’élevaient en témoignage contre Israël, de telle sorte que Dieu qui, sous l’emblème de la nuée lumineuse, siégeait entre les chérubins au-dessus de l’arche. Il ne voyait, Il ne voulait voir que le sang dont le propitiatoire avait été aspergé le jour des expiations. Jésus est notre propitiatoire. En accomplissant la Loi que nous avons violée, Il l’a, pour ainsi dire, couverte, Il l’a cachée, si bien que Dieu ne la voit plus, ne veut plus la voir. Elle n’a plus de voix devant Lui pour accuser ceux qui se placent sous l’aile de Christ. Au lieu d’arrêter Ses regards sur leurs péchés et sur la Loi qui les maudit, Il ne voit plus que le sang de Jésus, plus que le divin Répondant qui s’interpose entre eux et Lui, plus que l’Agneau mis à mort qui se tient continuellement devant sa face (Apoc. 5).         

                        L’activité sacerdotale dans le sanctuaire terrestre      

            « Tout cela étant ainsi disposé, les sacrificateurs entrent constamment dans le premier tabernacle, accomplissant le service ; mais dans le second, seul le souverain sacrificateur entre, une fois par an, non sans présenter du sang qu’il offre pour lui-même et pour les fautes du peuple » (v. 6-7).
             L’auteur emploie toujours le présent, car, ainsi qu’on l’a déjà vu, le culte lévitique subsiste encore au moment où il écrit l’épître. Les sacrificateurs « entrent constamment dans le premier tabernacle », le lieu saint ; mais, dans le second, le lieu très saint, image du ciel, le souverain sacrificateur n’y entre qu’une fois par an, le dixième jour du septième mois (Lév. 16). Il y pénètre seul, il ne peut amener personne avec lui dans ce palais du grand Roi, l’Eternel des armées, et il n’y entre qu’avec un ensemble de précautions et de cérémonies bien propres à inspirer la crainte et le tremblement. Le sang qu’il apporte peut seul lui en ouvrir l’accès (v. 12). Il l’offre à Dieu ; il ne suffit pas, en effet, qu’il ait répandu le sang au pied de l’autel de l’holocauste ; il faut encore qu’il l’offre à Dieu devant le propitiatoire : cet acte complète l’expiation. Et il l’offre pour lui-même, avant tout (Lév. 16 : 6, 11 ; Héb. 5 : 3), et « pour les fautes du peuple », pour les offenses dont celui-ci s’est rendu coupable envers l’Eternel.

            « L’Esprit Saint indiquant ceci : le chemin des lieux saints n’a pas encore été manifesté, tant que subsiste le premier tabernacle, qui est une figure pour le temps présent, dans lequel sont offerts des dons et des sacrifices qui ne peuvent pas rendre parfait, quant à la conscience, celui qui rend le culte, culte qui consiste seulement en aliments, en breuvages, en diverses ablutions, ordonnances charnelles, imposées jusqu’au temps du rétablissement » (v. 8-10).
            Par cette exclusion de tous les autres sacrificateurs et par cet ensemble de symboles, le Saint Esprit, dont l’auteur de l’épître est l’interprète, fait connaître ceci : le chemin du sanctuaire, du ciel (4 : 14 ; 6 : 20 ; 8 : 2 ; 10 : 19…) n’a pas encore été manifesté. Il n’était ni révélé ni par conséquent ouvert, pendant que le premier tabernacle - et le temple aussi qui fut construit plus tard sur le modèle du tabernacle, mais toujours sous l’immédiate direction de Dieu (1 Chr. 28) - était encore debout, c’est-à-dire pendant toute la durée du culte lévitique. Le ciel n’a été ouvert à personne tant qu’on n’a fait, pour s’en procurer l’entrée, qu’offrir à Dieu le culte selon la Loi.
            C’était là une parabole, une institution ou représentation figurative, une allégorie ; cela confirme ce que nous disons plus haut sur la haute portée symbolique du tabernacle et de son culte, et sur la nécessité d’en faire l’objet d’une étude sérieuse et approfondie, comme renfermant les choses profondes de Dieu.
            Les dons et les sacrifices des victimes (5 : 1) ne pouvaient pas, quant à la conscience, rendre parfait celui qui rendait culte à Dieu. Ce culte consistait seulement « en aliments, en breuvages, en diverses ablutions (ou lavages) » (6 : 2), « ordonnances charnelles, imposées jusqu’au temps du rétablissement » (v. 10). Le Juif ignorant ne servait Dieu que par ces choses ; il ne voyait rien au-delà des formes matérielles et allégoriques du judaïsme. Le Juif spirituel, au contraire, tout en les observant regardait plus loin et plus haut ; il voyait le Messie qu’elles préfiguraient et de qui seul il attendait le salut. Ces choses ne pouvaient rendre parfait quant à la conscience ; elles ne pouvaient la rassurer entièrement, la débarrasser du lourd fardeau de la culpabilité, et éloigner ainsi d’elle la crainte angoissante du châtiment (10 : 1-11 ; Ps. 40 : 6-7 ; Gal. 3 : 21). Leur impuissance résultait de leur nature : elles ne pouvaient satisfaire la conscience du pécheur parce qu’elles ne satisfaisaient pas non plus la justice de Dieu. Les « aliments » mentionnés ici étaient certaines offrandes, et la chair de certaines victimes qui servaient à la nourriture des sacrificateurs, comme à celle du peuple (Lév. 5 ; 6 ; 7…). Les « breuvages » se rapportaient à la loi relative aux sacrifices (Lév. 10 : 9, 11), aux Nazaréens (Nom. 6 : 3), aux dîmes du vin (Deut. 12 : 17 ; 14 : 23...). Enfin, les « ablutions » (ou lavages) étaient destinés à purifier cérémoniellement les sacrificateurs. Toutes ces choses n’étaient que des « ordonnances charnelles », car elles se rapportaient uniquement au corps ; cette expression montre la valeur et la portée du rituel juif. Et ces ordonnances étaient imposées, chargées sur Israël comme un joug pesant, insupportable (Act. 15 : 10). Elles étaient imposées « jusqu’au temps du rétablissement », jusqu’au temps où tout cela devait être réformé, c’est-à-dire jusqu’à la venue de Celui qui devait abolir les sacrifices et tout le culte mosaïque par le sacrifice de Lui-même, purifier et rendre parfaite la conscience, et inaugurer le culte en esprit et en vérité, seul agréable à Dieu (Jean 4 : 23-24 ; Rom. 7 : 6).

 

D’après E. Guers