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ETUDE SUR L’EPITRE AUX HEBREUX (5)

                                                   

CHAPITRE 5

Jésus Christ, grand souverain sacrificateur (ch. 4 : 14  à  8 : 2)

Jésus est un vrai Sacrificateur. Il en possède toutes les qualifications ; aussi les Hébreux et tous les chrétiens peuvent-ils attendre de Dieu, par sa médiation, la miséricorde et le secours dont l’apôtre vient de parler (4 : 14-16) : c’est ce qu’il démontre dans les dix premiers versets du chapitre 5. Il commence par rappeler ce qu’est un souverain sacrificateur : un homme choisi d’entre les hommes, ses frères, et mis à part dans le but d’offrir pour eux des offrandes et des sacrifices (v. 1). Or, pour exercer convenablement une telle charge, il faut qu’il soit capable d’avoir pitié de ceux en faveur desquels il en a été investi, et que l’expérience personnelle de leurs faiblesses, en lui donnant pour eux une mesure suffisante d’indulgence et de compassion, le mette en état d’accomplir en leur faveur son beau ministère, sans dégoût, sans aigreur, et avec une charitable persévérance (v. 2-3). Il faut encore et avant tout, qu’il soit appelé de Dieu même aux nobles fonctions du sacerdoce, comme le fut Aaron (v. 4).
            Jésus, selon la définition qui vient d’être donnée, est donc Sacrificateur :  vrai homme, comme Il est vrai Dieu, Il a été pris d’entre les enfants d’Israël pour offrir à Dieu la réalité des choses dont le souverain sacrificateur de la Loi n’offrait que l’image (ch. 2). Il possède aussi, dans leur perfection, tous les caractères d’un vrai souverain sacrificateur. L’auteur de l’épître les reprend l’un après l’autre (v. 5 à 9), mais dans l’ordre inverse. D’abord, Jésus ne s’est point désigné de Lui-même pour exercer ce glorieux ministère, mais c’est Dieu qui l’y a solennellement appelé (v. 5 ; Ps. 2 : 7 ; 110 : 4). Puis, sacrificateur accompli par l’imposante grandeur de l’appel, Jésus ne l’est pas moins par la plénitude de la sympathie, comme on l’a déjà vu (2 : 17-18 ; 4 : 15). Non seulement Il est capable d’user d’indulgence envers ses frères, mais Il ressent à leur égard une parfaite compassion. Et sa tendre, sa profonde et immuable sympathie, est le gage certain de sa fidélité : tout ce qu’exige notre paix, notre bonheur, notre salut, Il l’accomplit et l’accomplira jusqu’au bout dans un amour et une patience que rien n’altère. En effet, bien qu’Il n’ait été personnellement atteint par aucune maladie morale ni par aucune faiblesse coupable, Il a été éprouvé et tenté comme nous en toutes choses, durant les jours de sa chair, ce qu’attestent tout particulièrement les prières et les supplications, accompagnées de grands cris et de larmes que, dans la détresse à laquelle Il s’était volontairement réduit pour nous racheter, Il adressa à Celui qui pouvait le sauver de la mort (v. 7). Bien qu’Il soit le Fils de Dieu et qu’Il n’ait donc pas été soumis à l’obligation morale d’obéir, Il a voulu apprendre l’obéissance, et Il l’a apprise dans ce qu’elle a de plus difficile, par l’expérience des choses qu’Il a souffertes dans son corps et dans son âme (v. 8). Et maintenant que, par ses souffrances, Il a été rendu parfaitement propre aux fonctions de souverain sacrificateur compatissant et fidèle, il est devenu l’Auteur du salut éternel pour tous ceux qui lui obéissent (v. 9).
            Au verset 10, cette partie du sujet se termine par la citation du Psaume 110 : 4, qui a déjà été donnée au verset 6 ; ainsi est préparée l’arme puissante avec laquelle sera établie victorieusement la supériorité infinie du Christ sur le souverain sacrificateur de la Loi (ch. 7).

Arrivé à ce point de son sujet (5 : 10), l’auteur s’arrête tout à coup. Il craint que les Hébreux ne soient pas en état de comprendre ce qu’il se propose de leur dire sur Melchisédec, cet éminent préfigurateur de Jésus Christ. De là une interruption qui s’étend jusqu’à la fin du chapitre 6 :
                        - Avant de poursuivre son sujet (ch. 5 : 11 à ch. 6 : 8), l’apôtre reproche aux Hébreux leur ignorance à l’égard des Ecritures, notamment en ce qui concerne le sens typique de l’Ancien Testament. Loin de pouvoir enseigner les autres, eux qui avaient été évangélisés les premiers, et évangélisés par le Seigneur en personne et par ses apôtres, ils avaient encore besoin d’être enseignés eux-mêmes. Trop asservis aux formes « extérieures » du culte lévitique, dont ils discernaient mal la signification spirituelle, apprenant sans cesse à nouveau les premiers éléments des oracles de Dieu (5 : 12), ils demeuraient dans un état d’enfance à l’égard des choses divines, alors qu’ils auraient dû être des « hommes faits » en Jésus Christ, capables, par une connaissance approfondie de la Parole, de démêler aisément le vrai du faux, et d’échapper aux pièges que leur tendaient des faux docteurs, qui, par des raisonnements artificieux ou de vaines légendes, s’efforçaient de les ramener au judaïsme (5 : 11-14).
                        - Après leur avoir reproché la superficialité de leurs connaissances, l’auteur de l’épître les exhorte à ne plus s’en tenir aux « premiers éléments » de l’enseignement du Christ, mais à tendre plutôt vers la perfection sous ce rapport comme sous tous les autres (6 : 1-8). Tout, en réalité, dans la carrière du chrétien, se lie au progrès dans la vraie connaissance et au progrès dans la vie et la piété, tout comme aussi, d’un autre côté, le retard dans la connaissance peut conduire à un retard dans la vie, à la langueur spirituelle, à une mondanité croissante, à l’incrédulité, et finalement peut-être au reniement de la foi chrétienne. C’était, en effet, le chemin que tant d’infortunés venaient de parcourir. L’apôtre rappelle ici la chute complète de ces apostats, et, par cet exemple qu’il replace sous leurs yeux, il presse les chrétiens juifs à persévérer dans la voie du Seigneur, ce qui est le but unique de l’épître qu’il leur adresse. Ces apostats avaient semblé tout d’abord avoir reçu la Parole avec joie (Matt. 13 : 20 ; Luc 8 : 13), accompagnée de dons spirituels, dans la riche mesure où Dieu les leur dispensait alors ; mais n’ayant pas de racine, comme dit le Seigneur, superficiels dans la pratique et dans l’expérience autant que dans la connaissance de la vérité salutaire, gens d’impression plutôt que de conviction, ils n’avaient été que « pour un temps ». Après avoir embrassé d’abord avec ardeur la cause évangélique, ils l’avaient ensuite répudiée, et s’en étaient même montré les adversaires les plus décidés. Or, il est impossible que ceux qui abandonnent ainsi le Seigneur, après avoir reçu la révélation divine et les dons spirituels, et qui se tournent audacieusement contre Lui, ne reviennent à la repentance (6 : 4-6). Leur chute est définitive. Et le fait de leur complète apostasie prouve assez qu’ils n’ont jamais eu cette foi vivante qui introduit une âme dans la communion de Jésus ; que jamais ils n’ont été vraiment convertis. Leur fin sera celle d’une terre qui, loin de répondre aux soins de ceux qui la cultivent, ne produit que des plantes inutiles ou même nuisibles. Sous cette image, l’auteur de l’épître, prophète en même temps qu’apôtre, annonçait le jugement terrible qui allait tomber sur les Juifs apostats et sur la nation tout entière. Les instruments providentiels de ce jugement étaient déjà là : les Romains allaient investir la cité rebelle et la renverser de fond en comble.

 

                        Jésus, plus excellent qu’Aaron « pris d’entre les hommes »

« En effet, tout souverain sacrificateur pris d’entre les hommes est établi pour les hommes dans tout ce qui concerne Dieu, afin d’offrir des dons et des sacrifices pour les péchés » (v. 1).
            L’auteur de l’épître exhorte les Hébreux à s’approcher avec assurance de Dieu par Jésus Christ, car Il est un vrai Sacrificateur ; Il en possède toutes les qualifications, ainsi qu’on va le voir, et Il les possède dans leurs perfections. C’est l’idée, évidemment sous-entendue, qui lie ce verset et les suivants aux trois qui précèdent.
            « Tout souverain sacrificateur », type plus éminent de Jésus Christ que les simples sacrificateurs, est pris, sanctifié, mis à part pour cette charge ; d’entre les hommes en général, et les enfants d’Israël, ses frères, en particulier (Ex. 28 : 1 ; 29). Il « est établi » - le verbe est au présent, car le temple et le culte lévitique subsistent encore au moment où la lettre est écrite. Il est « pour les hommes », à leur place et dans leur intérêt, « dans tout ce qui concerne Dieu », à son service ; ces mots embrassent l’ensemble du culte lévitique.
            Le sacrificateur offre des dons et des sacrifices pour les péchés. Le second de ces termes désigne les sacrifices proprement dits, et le premier, les autres offrandes lévitiques. Il y avait plusieurs sortes de sacrifices : l’holocauste, le sacrifice de prospérité et le sacrifice pour le péché ; c’est ce dernier surtout que l’auteur de l’épître envisage afin de développer un point spécial : le parallèle entre le souverain lévitique portant dans le sanctuaire terrestre le sang des victimes expiatoires lors du grand jour des propitiations, et le Christ qui est entré dans le ciel même avec le sang précieux par lequel Il a expié nos offenses et nous a obtenu un éternel rachat.
            Non seulement ce premier verset implique que Jésus est un vrai Sacrificateur, mais il justifie en même temps, aux yeux des Juifs, son incarnation ; sans elle, en effet, Jésus n’aurait pas pu s’offrir en sacrifice pour nous sur la terre, ni officier pour nous dans le ciel (2 : 14-18). « Etant bien loin de Dieu, dit Calvin, nous sommes représentés devant sa face en la personne de notre Sacrificateur, ce qui ne pourrait pas se faire, s’il n’était pas l’un d’entre nous ».
            On a souvent demandé si Jésus était Sacrificateur déjà sur la terre. Notre verset répond à la question : bien que sa dignité de sacrificateur, comme sa qualité de Fils, n’ait été solennellement déclarée qu’au moment de sa résurrection, il n’en a pas moins été sacrificateur dès ici-bas. Présenter des victimes était la partie essentielle du ministère sacerdotal, et la mort de Jésus Christ a été un vrai sacrifice (9 : 14, 26, 28). Il était donc Sacrificateur avant de l’offrir. Le sacrificateur typique devait être investi de sa charge avant de pouvoir offrir aucun sacrifice, et il était sacrificateur dans la cour du tabernacle (ou du temple) comme à l’intérieur du sanctuaire ; il en est de même à l’égard du Seigneur Jésus. Le verset 5 de notre chapitre, qu’on oppose à cette manière de voir, ne la contredit nullement ; car, selon la remarque de Bénédict Pictet, il n’est pas déclaré ici quand Jésus Christ a été déjà établi sacrificateur, mais uniquement par qui Il l’a été ; il montre la divinité de sa vocation à cette charge, et non le temps ».

« Il est capable d’avoir de l’indulgence pour les ignorants et les égarés, puisqu’il est lui-même enveloppé de faiblesse » (v. 2).
            Le même mot - « capable » - a déjà été employé, dans l’original, au verset 18 du chapitre 2 : il s’agit ici encore d’une capacité ou d’un pouvoir résultant d’une communauté de nature et de condition. Il va trop loin je trouve.
            Le sacrificateur a de l’indulgence pour les ignorants et les égarés, ceux qui pèchent par ignorance, par surprise, par faiblesse, ou pour n’avoir pas suffisamment considéré la règle du devoir (Lév. 4), mais non par mépris, de propos délibéré et « avec fierté » (Nom. 15 : 30) -littéralement : « à main levée ».
            L’expérience personnelle – à part le péché - de leurs faiblesses naturelles et morales le rend capable de maîtriser son impatience ou son dépit qui pourrait souvent l’empêcher d’officier volontairement et affectueusement en leur faveur. « Quoique Jésus ait toujours été exempt de péché, cependant, par la sympathie à nos infirmités, il est induit à nous supporter et à nous être doux et gracieux » (Calvin).

« Et, à cause de cette faiblesse, il doit présenter des offrandes pour les péchés - pour lui-même aussi bien que pour le peuple » (v. 3).
            Il doit présenter ces mêmes choses, des offrandes et des victimes pour les péchés, afin de se purifier selon la loi lévitique et de se mettre en état d’officier pour la nation (Lév. 4 : 3 ; 9 : 7 ; 16 : 6). Un nouveau trait de supériorité du souverain sacrificateur de l’évangile est évoqué ici : Jésus n’a pas eu besoin d’offrir des sacrifices d’abord pour lui-même (Héb. 4 : 15 ; 7 : 26, 27).

« Or personne ne s’arroge cet honneur ; il ne le reçoit que s’il est appelé par Dieu, comme le fut Aaron » v. 4).
            La Loi de succession avait constitué le sacerdoce dans la famille d’Aaron, et Dieu seul pouvait le changer. L’Ecriture relate quel a été la punition du roi Ozias pour sa témérité (2 Chr. 26 : 16-21) ; elle montre aussi le sort des intrus et des usurpateurs, même dans la tribu de Lévi : Coré, Dathan, Abiram et On (Nom. 16 et 17).

 

                        Christ nommé par Dieu sacrificateur pour l’éternité

« De même, le Christ aussi ne s’est pas glorifié lui-même pour être fait souverain sacrificateur, mais c’est Dieu qui l’a glorifié en lui disant : « Tu es mon Fils ; moi je t’ai aujourd’hui engendré » (v. 5).
            Ainsi le Christ ne s’est pas donné à Lui-même la gloire d’être fait souverain sacrificateur (Jean 8 : 54). Il fallait établir le droit de Jésus au sacerdoce, car les Hébreux savaient avec quelle solennité Aaron avait été appelé à cette charge exclusivement réservée à sa tribu et à sa famille. Le Seigneur était de la tribu de Juda ; il était d’autant plus urgent de prouver son droit au sacerdoce ; celui-ci étant changé, la Loi devait l’être aussi. C’était toute une révolution dans le royaume de Dieu (Héb. 7). Mais Celui qui lui a donné cette gloire d’être fait souverain sacrificateur, c’est Celui qui lui a dit : « Tu es mon Fils ; aujourd’hui je t'ai engendré » (Ps. 2 : 7). Dieu a comme engendré à nouveau Jésus quand Il L’a ressuscité d’entre les morts pour Lui remettre l’empire universel. Mais, comment l’auteur peut-il citer à l’appui du sacerdoce de Christ une parole qui, dans le Psaume 2, se rapporte à sa royauté ? C’est que toutes les charges du Christ sont renfermées dans sa dignité de Fils ; elles sont toujours inséparablement unies dans sa Personne, et ce qui prouve l’une d’elles prouve également les autres.

« Comme il déclare également dans un autre passage : « Tu es sacrificateur pour l’éternité selon l’ordre de Melchisédec » (v. 6).
            Dieu le déclare au Messie, en le faisant asseoir à sa droite, et en témoignant ainsi à la face des cieux et de la terre, qu’Il acceptait le sacrifice que Jésus venait de lui offrir : Tu es sacrificateur pour l’éternité selon l’ordre de Melchisédec (Ps. 110 : 4). Le sacerdoce de Jésus ne doit faire place à aucun autre, il n’est pas « successif » comme celui d’Aaron, et son efficacité dure à perpétuité (ch. 7).

 

                        Souffrances et obéissance de Christ

« Le Christ, durant les jours de sa chair, ayant offert, avec de grands cris et avec larmes, des prières et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, et ayant été exaucé à cause de sa piété » (v. 7).
            Les « jours de sa chair » sont ceux de son abaissement, de son humiliation et de ses souffrances pendant son séjour dans ce monde (Héb. 2 : 14 ; 2 Cor. 13 : 4), en opposition avec son état actuel de gloire dans les cieux. Ces versets évoquent les souffrances du Seigneur Jésus, en particulier pendant les derniers jours de son humiliation. « Que nul ne pense que Christ ait un cœur de fer pour ne rien sentir » (Calvin).
            Ce passage nous rappelle bien vivement la scène de Gethsémané, lorsque Jésus s’est jeté contre terre en priant : « Abba, Père, pour toi, tout est possible ; fais passer cette coupe loin de moi » (Marc 14 : 36). Jusque-là Dieu avait été avec Jésus et L’avait rempli de joie par les témoignages constants de sa paternelle satisfaction. Mais alors Jésus anticipe le moment où Il se présentera devant Dieu chargé de toutes nos offenses. Dès ce moment tout sera changé : la Loi va réclamer son sang. Le Bien-aimé du Père sera traité comme le péché même, le péché personnifié (2 Cor. 5 : 21) ; Dieu va détourner sa face et décocher sur Lui toutes les flèches de son plus ardent courroux.
            Aussi, dans l’excès de sa douleur, le Répondant des élus s’écrie-t-Il dans le jardin de Gethsémané : « Mon âme est saisie de tristesse jusqu’à la mort » (Matt. 26 : 38). Là, et là seulement, est la clef de son « agonie morale » ; ce ne sont ni la trahison de l’un de ses disciples, ni le reniement de l’autre, ni la désertion, à l’heure de l’épreuve, de ceux qu’Il avait le plus aimés, ni la perspective des souffrances que la main de l’homme va tout à l’heure accumuler sur lui, qui accablent le Rédempteur en Gethsémané. Elles ne sont rien comparées à tout ce qu’Il endure déjà, à tout ce qu’Il doit endurer encore, sous la main de Dieu comme substitut des pécheurs. Il prie, Il pleure, Il supplie avec une ardeur toujours croissante, à genoux d’abord, puis la face contre la terre : « Père, si tu voulais faire passer cette coupe loin de moi ! » (luc 22 : 42). Mais, soumis jusqu’au bout à la volonté du Père : « Mon Père, s’il n’est pas possible que ceci passe loin de moi sans que je le boive, que ta volonté soit faite » (Matt. 26 : 42). Il accepte pleinement ce calice mélangé de la double amertume du péché de l’homme et de la colère de Dieu, et, sur la croix, Il l’épuisera jusqu’au bout.

« Bien qu’il fût Fils, (Jésus) a appris l’obéissance par tout ce qu’il a souffert » (v. 8).
            Ce que Jésus a craint un instant, ce n’est pas la mort proprement dite, la mort du corps, puisqu’Il a été exaucé à l’égard de sa crainte, et que pourtant Il est mort. Ce qu’Il a craint, c’est la séparation d’avec Dieu. Il a frémi un instant à la pensée de succomber sous le faix de ces douleurs indescriptibles qui nous laissent entrevoir ce que nous aurions dû souffrir nous-mêmes éternellement dans le feu de la géhenne. « Que la profondeur ne m’engloutisse pas, et que le puits ne ferme pas sa gueule sur moi », s’est-Il écrié dans sa frayeur  (Ps. 69 : 15).
            Mais comment expliquer cette terreur dont Jésus est subitement saisi dans le jardin de Gethsémané ? Il faut admettre ici trois choses :
                        - la réalité de la nature humaine du Seigneur
                        - la réalité de son caractère de médiateur - Il est notre garant, notre caution devant Dieu
                        - enfin l’effrayante réalité, et la grandeur des souffrances qu’Il a dû endurer pour nous sous la main du Très-Haut dès l’instant où Il se présenta devant Lui chargé de nos iniquités.  
            Telle est la triple vérité qu’il faut accepter pleinement et sans arrière pensée, si l’on veut se rendre compte quelque peu de la terrible lutte qu’Il eut à soutenir à Gethsémané et à Golgotha, et comprendre un peu mieux les pages si nombreuses des souffrances et de la mort du Fils de l’homme. C’est, en particulier, la clef des Psaumes messianiques. Mais après tout cela la passion de Christ reste une insoluble énigme : jusque dans ses plus vives alarmes, dans ses plus cruelles appréhensions, Jésus se confie en Dieu parfaitement et l’invoque comme son Père. Jusque sous le courroux de Jéhova, Il demeure l’objet tout particulier de son amour. Qui dira ce qui se passe alors entre Dieu et Lui ? Qui pénètrera dans l’âme humaine du Messie, et nous révèlera le secret de son effroi ? Qui descendra dans cet abîme de maux et sondera les mystérieuses profondeurs ? Ici, il faut se taire, adorer, et surtout aimer !
            Comme Fils, Jésus n’était pas tenu d’obéir - « ce qui pourtant, dit Calvin, est la condition commune de tous les autres », car quelle est la créature qui soit dispensée d’obéir ? C’est là justement ce qui fait la merveille de l’obéissance de Christ, ce qui lui donne une valeur infinie, et commande notre adoration. La vie entière du Sauveur n’a été qu’une longue et parfaite obéissance à la volonté de son Père. Mais l’obéissance dont il s’agit ici est plus spécialement celle par laquelle Il s’est abaissé lui-même jusqu’à la mort de la croix (Phil. 2 : 8), et a donné sa vie pour les brebis, selon le commandement de Dieu (Jean 10 : 17-18 ; Héb. 10 : 7). Jésus a appris l’obéissance par les choses qu’il a souffertes ; on ne connaît bien l’obéissance que si l’on accepte pleinement les souffrances qu’elle impose. Jésus est le seul homme qui a su parfaitement le faire. Il l’a apprise dans tout ce qu’elle avait de plus difficile ; seul aussi Il peut nous l’enseigner et l’accomplir en nous par son Esprit !

 

                        L’auteur du salut éternel, salué par Dieu souverain sacrificateur selon l’ordre de Melchisédec

« Et, parfaitement accompli, il est devenu, pour tous ceux qui lui obéissent, l’auteur du salut éternel » (v. 9).
            La perfection que l’épître a en vue s’accorde toujours avec la nature du sujet dont elle parle. Ici, comme au verset 10 du chapitre 2, le mot « accompli » se rapporte aux qualifications de Christ, en tant que sacrificateur ; il signifie que les souffrances l’ont, au plus haut degré, rendu propre aux fonctions d’un souverain sacrificateur miséricordieux et fidèle.
            Il l’a été, comme on l’a déjà vu, de deux manières :
                        - D’abord, par les choses qu’il a souffertes, Jésus a acquis une connaissance expérimentale de la vie humaine de l’obéissance et de ses difficultés, du besoin continuel que nous avons d’être secourus dans le bon combat, et dès lors il éprouve pour nous la plus entière, la plus affectueuse et la plus tendre sympathie dans toutes nos épreuves et toutes nos tentations.
                        - Ensuite, par ces mêmes choses, oui, par ses cruelles douleurs, par le sang que, dans sa passion, Il a versé pour nous sur le Calvaire, le Seigneur a parfaitement expié nos péchés et nous a obtenu une éternelle rédemption, ce qui est le but suprême de son sacerdoce. Mais il y a plus : le sang qu’Il a répandu sur la terre Lui a ouvert, et à nous en Lui et par Lui, le sanctuaire céleste où Il paraît « maintenant pour nous devant la face de Dieu » (9 : 24), et ferme ainsi la bouche à notre Accusateur. Supprimez les souffrances, et Jésus n’est plus un sacrificateur accompli. Il n’est même plus un sacrificateur, Il ne peut plus éprouver pour les siens une réelle et profonde sympathie. Sa mort n’est plus un sacrifice, Il n’a plus rien à offrir à Dieu pour nous, plus aucun moyen d’imposer silence à notre Adversaire.
            Il est devenu, pour tous ceux qui lui obéissent, pour tous les héritiers du salut (ch. 1), pour tous les fils, les frères (ch. 2), Juifs et Gentils, l’auteur, la cause d’un salut éternel (2 : 10). C’est un salut éternel et non simplement temporel - autre trait de supériorité de la nouvelle alliance. Les chrétiens obéissent, non pour être sauvés, mais parce qu’ils sont sauvés ; ce n’est pas leur obéissance au Fils qui les sauve, mais uniquement l’obéissance du Fils au Père, laquelle ils reçoivent et s’approprient par la foi. Et cette foi de grand prix ne demeure pas inactive en eux. Elle agit avec efficace par l’amour : en les unissant à Christ par l’opération du Saint Esprit, elle les rend participants de sa vie, de sa sainteté, en même temps que de sa parfaite justice. Dès lors, ils Le suivent avec joie dans cette même voie de l’obéissance où Il les a précédés, où Il les soutient par sa grâce, et qui seule mène où Il est maintenant (Héb. 12 : 14).

 « Etant salué par Dieu souverain sacrificateur selon l’ordre de Melchisédec » (v. 10).
           Au verset 4, qui se rapporte à l’investiture de la charge de sacrificateur que Jésus a reçue et déjà exercée avant sa résurrection, il est dit simplement : « appelé » par Dieu. Ici, Il est « salué », désigné solennellement, proclamé, et cela se rapporte au nom que Dieu Lui a donné après sa résurrection.
            Au lieu de sacrificateur (Ps. 110 : 4), l’apôtre dit : « souverain sacrificateur », car celui qui entre dans le sanctuaire avec le sang du sacrifice qu’il a offert à Dieu pour le peuple, est un souverain sacrificateur. Au reste, par ailleurs, l’ensemble du Psaume 110 emporte, évidemment, l’idée du sacerdoce suprême.
            « L’ordre de Melchisédec » est un ordre éternel, royal, établi avec serment, et par conséquent irrévocable, annoncé et préfiguré longtemps avant l’institution du sacerdoce lévitique, avant même la naissance de Lévi (Gen. 14 : 18- 20 ; Héb. 7).

 

                        L’impossibilité de continuer à développer le thème du sacerdoce en raison de l’état spirituel des Hébreux

« A son sujet (celui de Melchisédec), nous avons beaucoup à dire, et des choses difficiles à expliquer, puisque vous êtes devenus paresseux pour écouter » (v. 11).
            L’auteur de l’épître avait beaucoup à dire, et des choses difficiles  à expliquer (2 Pier. 3 : 16), aux Hébreux qui étaient devenus paresseux pour écouter ; ils ne l’avaient donc pas toujours été.

« Vous qui, en effet, devriez être des docteurs, vu le temps, vous avez de nouveau besoin qu’on vous enseigne quels sont les premiers rudiments des oracles de Dieu, et vous êtes devenus tels que vous avez besoin de lait, non de nourriture solide » (v. 12a).
            Depuis le temps où ils avaient été évangélisés, les Hébreux auraient dû être des docteurs, capables d’enseigner les autres. Mais ils avaient de nouveau besoin qu’on leur enseigne quels sont les éléments du commencement, « les premiers rudiments des oracles de Dieu » ; c’est la même chose que le lait (v. 13), le fondement (4 : 1).
            Les « oracles de Dieu », ce sont les livres de l’Ancien Testament dont les Juifs sont les dépositaires (Rom. 3 : 2) ; ce sont aussi les enseignements et les écrits des apôtres confiés à la garde de l’Eglise. C’est leur parole qui est celle de Dieu ; celui qui Le connaît les écoute, celui qui les rejette, rejette Dieu lui-même qui leur a donné son Esprit (Rom. 3 : 2 ; 2 Tim. 3 : 16 ; 1 Thess. 2 : 13 ; 1 Jean 4 : 6 ; 1 Thes. 4 : 8).

« Et vous êtes devenus tels que vous avez besoin de lait, non de nourriture solide » (v. 12b).
            Le « lait » est pour les petits enfants qui ne peuvent supporter la nourriture solide des hommes faits, c’est-à-dire une connaissance plus avancée de la Parole de Dieu, en particulier dans ce qui se rapporte aux types de l’Ancien Testament et à leur signification.

« Car quiconque en est encore au lait est inexpérimenté dans la parole de la justice » (v. 13).
            C’est dans la parole de l’Evangile qu’est révélée la justice de Dieu par la foi, la justification gratuite, et elle nous enseigne en même temps à nous conduire d’une manière digne de notre vocation céleste (Rom. 1 : 17 ; Phil. 1 : 27 ; Col. 1 : 28). Celui qui est « inexpérimenté dans la parole de la justice » ne comprend pas cet évangile, il n’en jouit que bien imparfaitement.         

« C’est un petit enfant ; mais la nourriture solide est pour les hommes faits qui, par la pratique, ont les sens exercés à discerner le bien et le mal » (v. 14).
            La nourriture solide (v. 12) est pour les hommes faits, ou les « parfaits », opposés aux petits enfants. « Par la pratique », c’est-à-dire par la connaissance et l’expérience qu’ils ont de la parole de la justice, les hommes faits ont les sens exercés à discerner le bien et le mal. L’enfant ne distingue pas bien entre un bon aliment et un mauvais ; l’homme le fait. Ainsi l’homme en Christ, dont le discernement spirituel est formé et développé par l’habitude ou l’expérience, distingue aisément la vérité de l’erreur. Il n’est pas le jouet des docteurs de mensonge, il n’est pas « balloté et emporté çà et là à tout vent de doctrine » (Eph. 4 : 14). Le bien et le mal désignent ici la bonne et la mauvaise doctrine, avec leurs conséquences pratiques.