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« VOICI  L’HOMME » (1)

 

Cette étude biblique de von Kietzell Fritz avait paru en allemand, vers 1930, dans le périodique « Die Tenne », puis sous forme d’un livre sous le titre « Der erfüllte Ausgang ». Nous proposons sa lecture à partir d’une publication en français, en 1969-1970, dans le « Messager évangélique ».

 

De Béthanie à Gethsémané

Parmi les scènes décrites dans la Parole de Dieu, il n’en est point de plus touchantes que celles qui nous occupent des souffrances et de la mort du Seigneur Jésus. Mais c’est une terre sainte que nous devons aborder les pieds déchaussés (voir Ex. 3 : 5). D’autre part, nous avons peine à sonder les profondeurs de ce sujet, comme ce fut le cas des disciples. Lorsque le Seigneur leur annonça que tout ce qui avait été écrit par les prophètes concernant le Fils de l’homme allait s’accomplir, « ils ne comprirent rien de tout cela ; cette parole leur était cachée et ils ne saisirent pas le sens de ce qui était dit » (Luc 18 : 31, 34 ; Marc 9 : 32). Pourtant, avec quelle exactitude ne les leur avait-Il pas communiquées ! « Le Fils de l’homme sera livré aux principaux sacrificateurs et aux scribes ; ils le condamneront à mort... le fouetteront, cracheront sur lui et le feront mourir » (Marc 10 : 33-34). Que cette description est saisissante en sa précision ! A trois reprises, Il avait ainsi annoncé aux douze « sa mort qu’il allait accomplir à Jérusalem » (Luc 9 : 31). Les chapitres 25 de Matthieu, 13 de Marc et 21 de Luc marquent la fin du ministère public du Seigneur et, dès les chapitres suivants, le Saint Esprit relate les souffrances qu’Il a endurées durant la dernière période de sa vie terrestre. L’évangile de Jean contient une période intermédiaire : la résurrection de Lazare et les circonstances qui s’y rattachent. Dans cet évangile, le ministère public du Seigneur prend fin au chapitre 10. A l’heure où les principaux sacrificateurs et les anciens décident en grand secret de « se saisir de Jésus par ruse et le faire mourir », le Seigneur, ayant « achevé tous ces discours », annonce une dernière fois aux disciples ce qui allait arriver : « Vous savez que, dans deux jours, c’est la Pâque, et le Fils de l’homme est livré pour être crucifié » (Matt. 26 : 1-5, 14, 16 ; Marc 14 : 1-2, 10-11 ; Luc 22 : 1-6 ; Jean 11 : 45-57). 

Comprirent-ils alors ces paroles ? Saisirent-ils clairement ce que leur Maître bien-aimé allait subir ? Leur comportement nous oblige à répondre négativement à ces questions. C’est une femme qui a eu le privilège d’exprimer, à l’égard du Seigneur, les sentiments qui convenaient en de telles circonstances. Pour nous le révéler, le Saint Esprit nous ramène à une scène survenue lors du souper offert au Seigneur Jésus à Béthanie (Jean 12 : 1-8). Nous y voyons, pour la troisième fois, Marie aux pieds de Jésus - comme chaque fois que nous la trouvons en sa présence (Luc 10 : 39 ; Jean 11 : 32 ; 12 : 3) - expression des saintes affections qui remplissaient son cœur pour Lui. Elle oint le Seigneur d’un « parfum de nard pur de grand prix » et Lui essuie les pieds avec ses cheveux, la gloire de la femme. « Et la maison fut remplie de l’odeur du parfum ». Par cet acte unique, Marie exprimait à Jésus la profonde sympathie et la compréhension d’un cœur aimant. Quant aux disciples, ils le considéraient comme une « perte » (Matt. 26 : 8).

Marie avait « choisi la bonne part » et écouté la parole du Seigneur. Elle était ainsi capable, plus que les autres disciples, de percevoir d’avance ce qui allait être la part de Celui qu’elle aimait ardemment. Elle discernait les sombres nuages de haine qui s’amoncelaient, toujours plus menaçants, sur la tête de Jésus. C’est pourquoi elle éprouvait le désir de Lui témoigner sa sympathie et son affection. Mais que pouvait faire cette femme faible et, sans doute, pauvre ? Elle prend ce qu’elle a de plus précieux, brise le vase d’albâtre et en répand le parfum sur la tête et les pieds de Jésus, comme le récit nous en est donné en Matt. 26 : 6-13 et Marc 14 : 3-9. Elle Lui rend ainsi l’hommage qui Lui était dû comme roi d’Israël, serviteur de Dieu et Fils unique du Père, au moment où, par l’Esprit éternel, Il allait s’offrir « lui-même à Dieu sans tache » (Héb. 9 : 14). En Matthieu et Marc qui nous présentent Christ comme le Messie et le Prophète, respectivement, le parfum est répandu sur sa tête, tandis qu’en Jean, où Christ est révélé comme le Fils de Dieu, Marie oint ses pieds. Il est compréhensible que Luc ne contienne pas ce récit, car dans cet évangile, le Seigneur Jésus est présenté comme le fils de l’homme, homme abaissé et humilié. 

« Cette femme, en répandant ce parfum sur mon corps, l’a fait en vue de ma mise au tombeau » (Matt. 26 : 12). En Marc, il est dit : « Elle a anticipé le moment d’oindre mon corps pour la mise au tombeau » (14 : 8). On sait que les autres femmes qui se rendaient au sépulcre du Seigneur dans cette intention sont arrivées trop tard (Luc 24 : 1-3). Telle est la signification que le Seigneur donne Lui-même à l’acte de Marie, lorsqu’Il s’interpose entre elle et les disciples qui la blâment. Il proclame solennellement que cet acte ne tomberait jamais dans l’oubli ; cela montre tout le prix qu’Il y attachait. Jonathan, poursuivant l’ennemi, avait goûté un peu de miel au bout de son bâton « et ses yeux furent éclaircis » (1 Sam. 14 : 27) ; de même et combien davantage ! notre bien-aimé Sauveur goûta en cette circonstance, un rafraîchissement qu’aucun homme - à l’exception cependant du brigand sur la croix - ne Lui accorda plus durant les heures douloureuses qu’Il allait traverser. 

Le jour de la fête, « le premier jour des Pains sans levain », arrive. Le soir étant venu, Jésus se met à table avec les douze pour célébrer la Pâque (Matt. 26 : 17-20 ; Marc 14 : 12-18 ; Luc 22 : 7-18). Il leur dit : « J’ai fortement désiré manger cette pâque avec vous, avant que je souffre ». Avant que le Fils de l’homme, l’héritier de toutes choses, soit rejeté définitivement, avant que les vagues de la haine de l’homme s’abattent sur la tête du Saint et du Juste, avant que le vrai Agneau pascal donne sa vie et que son sang soit versé, le désir de son cœur est d’être réuni une fois encore avec le faible résidu de son peuple sur le terrain de l’ordonnance parfaite instituée par Dieu (Matt. 26 : 21-25, 31-35 ; Marc 14 : 18-21, 27-31 ; Luc 22 : 21-38 ; Jean 13 : 18-30, 36-38). Toutefois cette scène d’adieu si solennelle est assombrie par bien des sujets de tristesse. Ce n’est pas seulement Judas, le traître soudoyé par les principaux sacrificateurs, et qui, possédé tout entier par son sinistre dessein, s’enfonce dans la nuit pour l’accomplir. Ce sont aussi les disciples qui contestent entre eux « pour savoir lequel... serait estimé le plus grand ». C’est, enfin, Simon Pierre affirmant avec arrogance qu’il est prêt à aller en prison et à la mort avec son Maître, alors qu’il devait le renier trois fois cette même nuit.

Bien que ressentant tout cela infiniment plus que nous, le Seigneur n’a pas reculé. « Ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, (Jésus) les aima jusqu’à la fin » (Jean 13 : 1-17). Durant le souper, Il leur montre, par le symbole du lavage des pieds, qu’Il serait toujours prêt à secourir les siens par la puissance purificatrice de sa Parole. Après le repas, Il leur confie un legs particulièrement précieux (Matt. 26 : 26-30 ; Marc 14 : 22-26 ; Luc 22 : 19-20). Il savait combien nos cœurs sont oublieux et combien cette scène si émouvante de ses souffrances et de sa mort, ne laisse, trop souvent, hélas, que des impressions fugitives dans notre esprit. C’est pourquoi Il a institué, à notre intention, son repas, la cène du Seigneur : le pain et le vin, son corps et son sang séparés ; son corps donné pour nous, son sang versé pour nous, symboles d’un Christ mort pour nous, d’un Christ qui a parfaitement glorifié le Père et satisfait à jamais le Dieu saint. « Faites ceci en mémoire de moi » (Luc 22 : 19). Ce vœu du Seigneur, qu’Il allait confirmer plus tard du haut des cieux (1 Cor. 11 : 24-25), ne devrait-il pas trouver dans nos cœurs une réponse chaleureuse ?

Le chant d’une hymne s’élève, puis ils sortent dans la nuit (Matt. 26 : 30). « Il alla selon sa coutume au mont des Oliviers » (Luc 22 : 39). Mais les paroles qu’Il adresse cette fois aux disciples sont des paroles d’adieu. « Que votre cœur ne soit pas troublé, ni craintif » (Jean 14 : 1, 27). Quelle sollicitude ! Il aurait eu bien des raisons de n’être préoccupé que de lui-même, et le voilà qui console, encourage et enseigne les onze. Il leur parle des « nombreuses demeures dans la maison de son Père » et du chemin qui y conduit (Jean 14). Ensuite Il les entretient de la relation si tendre et si intime qui les unit eux, les sarments, à Lui, le « vrai cep » (Jean 15). Mais ils poursuivent leur chemin dans la nuit, laissant loin derrière eux la sainte ville. Alors Il leur annonce que les ombres de l’ancienne alliance vont disparaître pour eux et que va venir bientôt un autre Consolateur, l’Esprit Saint, qui les conduira « dans toute la vérité » et les introduira dans une relation nouvelle avec le Père (Jean 16). Puis, levant les yeux au ciel, Il prononce la prière qui nous est rapportée en Jean 17. Il rend, en quelque sorte, au Père ceux qu’Il Lui avait donnés du monde, afin que le Père les garde jusqu’à la fin, au milieu du « présent siècle mauvais ». Il achève sa prière par cette déclaration - précieuse entre toutes et que Lui seul, le Fils, avait le droit d’adresser à son Père : « Père, je veux, quant à ceux que tu m’as donnés, que là où je suis, moi, ils y soient aussi avec moi, afin qu’ils contemplent ma gloire... » (Jean 17 : 24).

« Ayant dit cela, Jésus s’en alla avec ses disciples de l’autre côté du torrent du Cédron, où se trouvait un jardin, dans lequel il entra, lui et ses disciples » (Jean 18 : 1 ; Matt. 26 : 36-46 ; Marc 14 : 32-42 ; Luc 22 : 39-46). David, mille ans auparavant, montait par ce même chemin, c’est-à-dire la montée des Oliviers, rempli de tristesse en pensant à tout ce qu’il laissait derrière lui (2 Sam. 15 : 23-30). Mais si le roi David devait suivre un tel chemin, c’était comme châtiment de son propre péché, tandis que le Fils de David, notre Seigneur, s’y était engagé volontairement, afin de porter « l’iniquité de nous tous » (Es. 53 : 6). Là, dans les ténèbres de « la nuit où il fut livré » (1 Cor. 11 : 23), en ce « lieu dont le nom était Gethsémané », il fut permis à Satan qui s’était éloigné de Lui « pour un temps » (Luc 4 : 13), de s’approcher de Lui une seconde fois. L’ombre de la croix se projetait déjà sur sa route et le Père Lui présentait la coupe qu’Il était venu boire ici-bas, la coupe amère du courroux de Dieu exerçant un juste jugement contre le péché. Devant Lui se dressait la croix sur laquelle Il allait, durant les trois heures ténébreuses, « porter nos péchés en son corps » (1 Pier. 2 : 24) et où Lui, qui n’avait pas connu le péché, serait fait péché pour nous (2 Cor. 5 : 21). Comment son âme sainte n’aurait-elle pas été saisie d’effroi en ayant devant Lui les terreurs de cette « mort qu’il allait accomplir à Jérusalem » ?

Nous pouvons contempler là l’Homme Christ Jésus, dans toute la divine perfection de son obéissance. Plus Il s’avançait dans le chemin où Il était entré afin d’accomplir les conseils de Dieu, plus Il éprouvait l’horreur de ce qui L’attendait et plus son cœur était « saisi d’effroi et très angoissé » (Marc 14 : 33). Il dit aux disciples : « Mon âme est saisie de tristesse jusqu’à la mort ; restez ici et veillez avec moi » (Matt. 26 : 38). Il sollicitait leur « compassion » et leur « consolation » (Ps. 69 : 20), car Il y avait droit, tout en connaissant l’amertume qui L’attendait. Sa force procédait uniquement d’en haut, d’auprès du Père.

Jésus pénètre dans la profondeur du jardin. Il prend tout d’abord avec Lui ses disciples les plus intimes, Pierre, Jacques et Jean. Mais bientôt, Il les quitte. « Il s’éloigna d’eux environ d’un jet de pierre » (Luc 22 : 41), et là, dans un isolement total, « s’étant mis à genoux », « il se jeta contre terre », et même « tomba sur sa face » (Marc 14 : 35 ; Matt. 26 : 39). Alors Il offrit « avec de grands cris et avec larmes, des prières et des supplications à Celui qui pouvait le sauver de la mort » (Héb. 5 : 7). Tout le long de son chemin, à l’exception des trois heures sombres de la croix, le ciel était ouvert sur Lui et les anges de Dieu montaient et descendaient sur le Fils de l’homme (Jean 1 : 51). Il en a été de même en cette circonstance solennelle : « Alors lui apparut un ange du ciel, qui le fortifiait » (Luc 22 : 43). N’oublions pas que c’était par amour pour nous qu’Il était là « dans l’angoisse du combat », priant « plus instamment », au point que « sa sueur devint comme des grumeaux de sang qui tombaient sur la terre » (Luc 22 : 44).

Mais la prière que Jésus adresse à son Père est plus émouvante encore que cette scène elle-même. N’y avait-il point d’autre issue ? « Il priait que, s’il était possible, l’heure passe loin de lui » (Marc 14 : 35). Toutes choses n’étaient-elles pas possibles au Père ? « Abba, Père » - c’est la seule fois que nous entendons le Seigneur user de cette expression si intime - « Abba, Père, pour toi, tout est possible ; fais passer cette coupe loin de moi » (Marc 14 : 36). « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi » (Matt. 26 : 39). Mais Il savait, mieux que personne, que cela n’était justement pas possible au Père, s’Il voulait sauver des pécheurs et accomplir ses conseils éternels. C’est pourquoi le Seigneur Jésus ajoute ces mots qui expriment son entière soumission : « Toutefois non pas ce que je veux, moi, mais ce que tu veux, toi ! ». - « Mon Père, s’il n’est pas possible, que ceci passe loin de moi sans que je le boive, que ta volonté soit faite » (Matt. 26 : 39, 42). En cette circonstance également, la seule où sa volonté différait apparemment de celle du Père, Il s’est soumis entièrement, de sorte qu’Il a été « exaucé à cause de sa piété » (Héb. 5 : 7). Il sort vainqueur de ce douloureux combat. Tandis que ses disciples sont « endormis de tristesse » (Luc 22 : 45), Il se lève de sa prière et s’avance, dans une paix parfaite, pour boire jusqu’à la lie la coupe qu’Il venait de recevoir de la main du Père.


D’après  von Kietzell Fritz  – « Messager Evangélique » (1969 p. 10-17)

 

A suivre