LE LIVRE DES JUGES (19-20)
CHAPITRE 19
La corruption morale en Israël. Le péché de Guibha
CHAPITRE 20
La corruption morale en Israël. La discipline
La corruption morale en Israël. Le péché de Guibha
« C’est du dedans, du cœur des hommes, que sortent mauvaises pensées, fornications, vols, meurtres, adultères… » (Marc 7 : 21). La scène de l’immoralité de Guibha, décrite dans ces chapitres, reflète bien le cœur de tout homme. Nous la considérons avec un sentiment d’horreur du mal, et de profonde humiliation.
• Le Lévite et sa concubine à Bethléem : v. 1-10
Un autre Lévite de la montagne d’Ephraïm apparaît sur la scène. L’exemple du premier Lévite (17 : 7) engagé par Michée comme sacrificateur avait mis en évidence l’état religieux du peuple. Maintenant, cet autre Lévite révèle son état moral.
Sa concubine, infidèle, l’abandonne pour retourner à la maison de son père à Bethléem. Pour tenter de parler à son cœur (et non pas à sa conscience), il court après elle, et reçoit un accueil chaleureux de son beau-père, qui voit l’occasion de réhabiliter ainsi sa fille. La présence même du Lévite dans cette maison n’était-elle pas une sanction de la souillure, aggravée par le caractère sacré du service du Lévite ? Inconscient de sa fausse position, il se laisse aller aux joies de la vie pendant quatre jours, mangeant et buvant avec son beau-père (v. 4-7).
Le cinquième jour, repoussant l’insistance de celui-ci, le Lévite s’en va avec sa concubine : c’était déjà le soir. En vérité, ce sera un triste soir pour elle, la terrible fin d’une triste vie. Tous deux allaient goûter les fruits amers de leurs égarements.
• L’arrêt à Guibha de Benjamin : v. 11-21
Ils viennent à Jébus, c’est-à-dire Jérusalem. Mais, du fait de l’infidélité de Benjamin, cette ville royale était restée aux mains des ennemis (1 : 21) : c’était « une ville des étrangers » pour le Lévite (v. 12). Les scrupules de conscience de son orgueil national semblent avoir plus d’importance pour lui que l’état moral de sa famille et le bien du peuple de Dieu.
Alors, ils poursuivent jusqu’à Guibha, pour leur malheur. Là, contrairement aux ordonnances de la Loi (Deut. 12 : 19), personne ne leur offre l’hospitalité, sauf un vieillard éphraïmite, qui rentrait des champs après son travail (v. 16-21). L’invitation affectueuse de cet étranger de Guibha au Lévite : « Ne passe pas la nuit sur la place » (v. 20), rappelle la scène des anges et de Lot à Sodome : « Non, mais nous passerons la nuit sur la place » (Gen. 19 : 2-3). La suite de chacune de ces deux scènes confirme leur similarité.
• Le meurtre de la concubine : v. 22-30
En effet, les honteuses pratiques de Sodome s’étaient infiltrées au milieu d’Israël (v. 22). C’est ainsi que les déclarations faites au sujet des nations païennes (Rom. 1 : 21-32) s’adressent maintenant au monde chrétien, qui ose excuser et pratiquer de telles choses. Il faut affirmer sans équivoque que l’homosexualité reste un péché d’une extrême gravité aux yeux de Dieu (Lév. 18 : 22, 29-30).
Des choses qu’il est honteux même de dire ou de nommer parmi les saints (Eph. 5 : 3, 12), sont déclarées ici dans la Parole inspirée de Dieu, comme un solennel avertissement.
Le Lévite livre sa femme à l’opprobre de ces hommes sans cœur et sans scrupules. N’y avait-il pas d’autre moyen d’éviter cette infamie ? Dieu avait bien délivré le juste Lot en frappant de cécité les méchants hommes de Sodome.
La pauvre femme meurt des suites de ce qui avait été pour elle un objet de convoitise (v. 26-28). Son mari le fait savoir aux tribus d’Israël par un message qui égale en horreur le crime lui-même (v. 29). En étalant la honte, ce Lévite démontre sa propre stupidité (Prov. 12 : 16).
• Le péché de Guibha et le peuple d’Israël : v. 30
Toute la nation d’Israël est dans un état de choc moral devant cette infamie. « Jamais chose pareille n’a eu lieu ni ne s’est vue » (v. 30). Effectivement, c’était le constat du mal. Comment allait-on le juger et s’en purifier ? La suite du récit le montre.
Ce péché manifestait, en fait, l’état du peuple tout entier. Commis par un ou quelques-uns, le péché était l’affaire de tous. La même leçon importante était apparue à l’occasion de l’affaire d’Acan : « Israël a péché » (Jos. 7 : 11). Acan avait entraîné le peuple dans la souillure, mais lui seul (avec sa famille) avait porté le jugement répondant à sa culpabilité.
Maintenant, les hommes de Guibha entraînent le peuple dans la souillure ; mais l’état moral est si bas que tout Israël va participer au châtiment. Plutôt que de faire peser la culpabilité du mal sur leurs seuls auteurs, il fallait en porter l’humiliation collective. Il en est ainsi dans l’assemblée chrétienne. Il n’est aucun péché commis par l’un d’entre nous, qui ne soit à la honte de tout le corps de Christ, qui en porte donc collectivement les conséquences. En cherchant à ôter le mal par la violence, le peuple ne s’en est pas vraiment purifié.
Six cents ans plus tard, Osée dira : « Dès les jours de Guibha, tu as péché, Israël » (Osée 10 : 9). Le péché de quelques hommes au milieu de la plus petite tribu d’Israël est encore imputé au peuple entier.
La corruption morale en Israël. La discipline
Toutes les tribus d’Israël répondent au message du Lévite. La conscience naturelle se révolte devant l’énormité du péché de Guibha, et il est bon qu’il en soit ainsi. Mais pourquoi n’y avait-t-il pas eu une telle indignation de toutes les tribus à l’occasion de l’idolâtrie de Michée, qui devait avoir des conséquences encore plus graves dans l’histoire du peuple ? Le mal doctrinal est plus subtil que le mal moral, mais touche moins spontanément la conscience.
• Israël à Mitspa : v. 1-11
Israël se rassemble comme un seul homme à Mitspa, devant l’Eternel, pour entendre le récit du Lévite (v. 4-7).
En fait, Israël ne consulte pas l’Eternel. Le mal avait aveuglé son jugement spirituel ; loin de Dieu, en pratique, le peuple décide tout seul de son action au lieu de s’attendre à Lui et de rechercher sa volonté.
La honte de cette énormité et de cette infamie qui ternissait la réputation du peuple (v. 6) avait à ce moment plus d’importance à ses yeux que le déshonneur fait à Dieu.
Deux choses essentielles, dont Moïse avait autrefois donné l’exemple (Ex. 32 : 11-13 ; Nom. 14 : 17-19), manquaient à Israël : le souci de la gloire de Dieu et l’amour pour leurs frères, le tout (ou le plein accomplissement) de la Loi (Rom. 13 : 10). L’amour vrai, ressort de toute discipline, les aurait conduits à prendre collectivement sur eux le péché de Guibha, avant de décider de monter en guerre contre la ville, dans un esprit de vengeance (v. 11).
Le plein accord apparent des tribus ne doit pas faire illusion : il ne résulte ici, ni de la direction de Dieu, ni de la conscience de l’unité de son peuple. C’était un esprit de parti qui dressait onze tribus contre la douzième.
• La réponse de Benjamin : v. 12-17
Devant l’ultimatum lancé par les onze tribus à Benjamin, celui-ci refuse d’écouter ses frères. Benjamin excuse et couvre le mal. Il prend le parti du méchant contre Dieu et contre son peuple. Il sort en guerre contre ses frères (v. 14). Il refuse de juger le mal, chose aussi grave que de le commettre ! Ainsi, le Saint Esprit reproche à l’assemblée à Thyatire de « laisser faire » la femme Jésabel (Apoc. 2 : 20).
L’armée des fils de Benjamin comprend même sept cents hommes d’élite, gauchers, de la ville de Guibha (v. 16). Leur habileté est maintenant au service du méchant, et la guerre civile est aux portes.
La prophétie de Jacob sur son dernier fils s’accomplit ici : « Benjamin est un loup qui déchire » (Gen. 49 : 27). Mais, après le douloureux chemin de son relèvement, la bénédiction de Moïse lui sera quand même assurée : « De Benjamin il dit : Le bien-aimé de l’Eternel, – il habitera en sécurité auprès de lui » (Deut. 33 : 12).
• Les deux défaites d’Israël : v. 18-28
Après avoir décidé de répondre à l’infamie par la violence, Israël monte de Mitspa à Béthel (la maison de Dieu), pour interroger l’Eternel (v. 18). Juda reçoit l’instruction de monter le premier - cette tribu royale avait la prééminence au milieu de ses frères (1 Chr. 5 : 2).
C’était la réponse à la question posée. Alors que la volonté du peuple était arrêtée, cette instruction conduit Israël à recevoir les coups d’une sévère discipline. En réalité Dieu se taisait. Il ne fait pas connaître sa pensée, jusqu’à ce que le peuple renonce à faire sa propre volonté.
Vingt-deux mille hommes de Juda sont frappés le premier jour de la bataille (v. 21), et dix-huit mille le deuxième jour (v. 25). On comprend les pleurs du premier soir, associés à un jeûne devant l’Eternel le deuxième soir. Israël devait apprendre (comme nous aussi) que dans les combats entre frères, il ne peut y avoir que des vaincus. Tous doivent se tenir devant Dieu dans l’humiliation pour être relevés. Cette importante leçon est encore d’actualité.
Le double châtiment supporté par Israël porte ses fruits. Les pleurs manifestent que la tristesse selon Dieu, associée à la repentance (2 Cor. 7 : 10), a maintenant remplacé l’indignation humaine. Le jeûne prouve l’humiliation. Enfin, l’attitude du peuple vis-à-vis de Benjamin a changé : ce n’est plus un ennemi contre lequel on monte en guerre (v. 20), mais un frère (v. 23).
Plus encore, le peuple offre des holocaustes et des sacrifices de prospérités à l’Eternel, en présence de l’arche, le siège de l’autorité divine. La bonne odeur du sacrifice de Christ, et la communion avec lui, sont retrouvées dans la présence de Dieu. Le sacrifice pour le péché n’est pas mentionné maintenant ; il devait être mangé dans un lieu saint en signe d’identification collective avec la faute du peuple, en vue de la repentance (Lév. 6 : 19 ; 10 : 17). Ce travail de confession et de purification avait été déjà opéré dans le cœur du peuple.
Phinées était là, en ces jours. Dans sa jalousie pour Dieu, il avait autrefois exécuté le jugement à Baal-Péor (Nom. 25 : 11 ; Ps. 106 : 30-31). Une alliance de sacrifice perpétuelle lui avait été confiée, en récompense à sa fidélité. Sévère vis-à-vis du mal, il manifeste plus tard la profondeur de grâce de son cœur, lorsqu’il intervient auprès des tribus de Galaad à l’occasion de l’autel de Hed (Jos. 22 : 19). Il montre un bel exemple d’équilibre entre la fidélité pour Christ et les prérogatives de la grâce qui touche les cœurs. Et maintenant, il est devant l’arche dans la proximité de Dieu, gardant le silence comme Aaron autrefois (Lév. 10 : 4). Que pouvait-il faire, sinon partager la peine de ce peuple qu’il aimait profondément ?
« Les sacrifices de Dieu sont un esprit brisé » (Ps. 51 : 17). Brisé par la douleur, le peuple renonce enfin à faire sa propre volonté et revient au point de départ pour recevoir sincèrement la parole de son Dieu et lui obéir : « Sortirai-je… ou cesserai-je ? » (v. 28). Israël est maintenant un instrument dans la main de Dieu pour châtier la tribu de Benjamin et la ramener à l’Eternel par un chemin de souffrance. Cette dernière instruction de l’Eternel ne justifie pas l’initiative des onze tribus au départ. Elle est la conséquence nécessaire, à ce moment-là, de la conduite passée de Benjamin et des onze tribus.
• Le châtiment de Benjamin : v. 29-48
Humainement, Israël a perdu beaucoup de force, et il faut recourir maintenant à une stratégie élaborée pour monter à l’assaut de Guibha. Les circonstances présentes rappellent la prise d’Aï, après l’affaire d’Acan (Jos. 8 : 3-8). La discipline ne peut jamais s’exercer dans un esprit de jugement de ses frères, mais dans un profond sentiment d’humiliation personnelle.
En définitive, « l’Eternel battit Benjamin devant Israël » (v. 35). Cette tribu perd vingt-cinq mille hommes dans la bataille (v. 44-46). Les autres tribus en avaient perdu quarante mille. Effectivement, il n’y a eu ni vainqueur, ni vaincu dans cette terrible affaire.
La tribu de Benjamin est entièrement effacée, à l’exception des sept cents guerriers réfugiés au rocher de Rimmon (v. 47).
Voilà le prix qu’Israël a payé pour ne pas avoir tout de suite interrogé l’Eternel dans un esprit d’humiliation !
D’après « Sondez les Ecritures » (vol. 5)