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Moïse « à la brèche » pour le peuple de Dieu

 
 

Lire : Exode 32-34 ; Psaume 106 : 19-23

 

            Il vaut la peine de considérer la conduite de Moïse lors de l'affaire du veau d'or. Sa foi, confrontée à une redoutable épreuve, ne fléchit pas. Il fait face avec simplicité et énergie à une situation pour laquelle il n'avait pas d'instructions précises, mais dans laquelle il agit selon la connaissance qu'il avait de l'Eternel. De sorte que Dieu lui ajoute toujours plus de lumière, comme le jour vient relayer un phare qui a brillé fidèlement dans l'orage et la nuit.
            Le peuple avait fait le veau d'or, et s'était incliné devant lui. Rien ne pouvait faire que ce péché n'ait pas été commis, et qu'Israël ne soit pas coupable. Il avait violé le premier commandement de la Loi qu'il s'était engagé à observer. Que faire ?
            Toute l'action de Moïse est inspirée non point par le désir de pallier ou d'excuser ce péché, mais par celui que la gloire de Dieu soit sauvegardée, et plus encore, rehaussée. Il est « à la brèche » pour Israël, qu'il aime non seulement parce que c'est le peuple auquel il appartient, mais parce qu'il est le peuple auquel l'Eternel a attaché son nom. Il ne peut donc être détruit, et cependant il le mérite. La gloire de Dieu serait atteinte, soit que ce peuple cesse d'être Son peuple, soit qu'il puisse se livrer impunément à l'idolâtrie.

            C'est pourquoi, lorsqu'il s'adresse au peuple, Moïse revendique les droits de Dieu à juger un tel péché avec colère : Israël est le peuple du Dieu saint.
            Mais c'est pourquoi aussi, lorsqu'il s'adresse à Dieu, Moïse s'appuie sur ce que Dieu avait promis avant qu'il soit question de la Loi. La puissance souveraine de Dieu doit se glorifier en grâce, sans que cependant le nom de l'Eternel puisse être, à un degré quelconque, associé au mal : l'Eternel est, de sa seule et propre volonté, le Dieu de ce peuple.

 
Moïse devant l'Eternel
 
                         Moïse implore l’Eternel en faveur du peuple qui est tombé dans l’idolâtrie
 
            Moïse est encore sur la montagne lorsque l'Eternel l'instruit de ce qu'a fait le peuple : « J'ai vu ce peuple, et voici, c'est un peuple de cou roide. Et maintenant laisse-moi faire, afin que ma colère s'embrase contre eux, et que je les consume ; et je ferai de toi une grande nation » (Ex. 32 : 7-10). C'est la destruction assurée si la colère divine s’exerce, en toute justice.     

            Moïse plaide, non point en mettant en avant des circonstances atténuantes, mais en remettant en mémoire devant Dieu ce que Lui-même a dit et fait (v. 11-13) :
                  - Israël est Son peuple ;
                  - L'Eternel a montré sa grande force en le délivrant - les Egyptiens concluraient de la destruction d'Israël que l'Eternel avait menti ou était impuissant ;

                  - Enfin, et par-dessus tout, l'Eternel a juré aux pères de donner Canaan à la semence d'Abraham. « Tu as juré… tu as dit…».

            Telle est la foi de Moïse, rivée à la Parole de Dieu. Il ne montre ni hésitation ni doute. Il en appelle à Dieu jurant par Lui-même. Ce que Dieu a dit s'accomplira. Un obstacle s'élève, et le peuple montre ce qu'il est bien, hélas : un peuple de cou roide, un peuple de pécheurs. Mais le péché dominerait-il Dieu, pourrait-il L'empêcher d'accomplir ses décrets ? Dieu ne savait-Il pas Lui-même, lorsqu'Il jurait ainsi, que c'était un peuple de pécheurs qu'il prendrait en mains, et le savait-Il moins lorsqu'Il avait chargé Moïse de le conduire ?

 
                         Après avoir jugé le mal, Moïse retourne vers l’Eternel et intercède encore
 
            Quand, après être descendu vers le peuple et avoir arrêté le désordre, Moïse retourne devant l'Eternel et plaide à nouveau (Ex. 32 : 31-35) ; Il n'excuse pas davantage le péché dont il vient de prendre une exacte connaissance. Au contraire, il définit le mal dans toute sa gravité : « Hélas! ce peuple a commis un grand péché, et ils se sont fait un dieu d'or…». Mais il n'en intercède que d'une façon plus pressante encore, et, faisant un pas de plus, il parle d'une propitiation. Sa foi discerne que la gloire de Dieu peut resplendir dans le pardon, mais que cela ne peut avoir lieu au mépris de sa justice, et il suggère que ce pardon soit acquis en détournant sur un substitut volontaire - lui-même - la colère méritée. Certes, une telle position était inacceptable, car Moïse avait la même nature pécheresse que tous les hommes.
            « Celui qui aura péché contre moi, lui répond l'Eternel, je l'effacerai de mon livre » (v. 33). Mais certainement aussi la proposition de Moïse n'était pas une offense à la gloire de l'Eternel, bien au contraire. Moïse ne pouvait être accepté comme substitut, mais il l'est comme intercesseur. « Va, conduis le peuple où je t'ai dit. Voici, mon Ange ira devant toi : et le jour où je visiterai, je visiterai sur eux leur péché » (v. 34).
 
 
                         Le gouvernement de Dieu s’exerce, mais la grâce triomphera
 
            Le peuple sera châtié, mais il arrivera dans la terre promise. Moïse avait vu juste et dit vrai. Nous trouvons là, en principe, toute l'histoire ultérieure d'Israël : de manquement en manquement, d'abandon en abandon, il a connu et connaîtra encore les plus sérieuses rétributions : exils, captivités, le rejet actuel, et surtout dans l'avenir la grande tribulation. Mais il demeure le peuple élu et sera établi dans le pays.
            Dieu ne peut mentir, la gloire de l'Eternel est engagée, les promesses sans conditions demeurent. Moïse en était convaincu bien que le moyen d'accomplir les promesses ainsi faites le dépasse. Impossible pourtant que les desseins de la grâce de Dieu soient empêchés, même quand le peuple montre ce qu'il est. Et impossible, d'autre part, que Dieu passe sur le péché. Mais il Lui appartient, et à Lui seul, de concilier ces deux impératifs.

            Moïse remet tout à l'Eternel. Sans doute, la Loi menaçait, mais il en avait brisé les tables, pour s'en tenir aux promesses antérieures à la Loi. Sans doute aussi, le gouvernement divin s'exerce dans le chemin de l'accomplissement de ces promesses, mais finalement la grâce triomphera. La foi se soumet à l'un, et se fortifie dans l'autre.

            Il en est de même pour nous, et pour l'Eglise. La foi d'aujourd'hui, comme la foi d'alors, doit saisir cela. Dieu a dit, Il a promis, Il accomplira. Son gouvernement est à l'œuvre, pour la destruction de ceux qui n’ont que le nom de chrétien, sans posséder la vie divine. Mais Il agit aussi pour la discipline de ses enfants. A la fin du voyage, « selon ce temps il sera dit… : Qu'est-ce que Dieu a fait ? » (Nom. 23 : 23). Et c'est cette certitude qui doit être la base inébranlable de nos intercessions pour le peuple de Dieu.
 
 
                         L’intercession de Moïse est un exemple que nous avons à suivre
 
            Nous pouvons avec une sainte hardiesse dire nous aussi : « Ce peuple est ton peuple, les rachetés sont tes enfants. Tu ne saurais renoncer à accomplir ce que tu t'es proposé et as dit à leur égard ». Nous avons pour plaider plus de motifs que Moïse même. Il ne pouvait en effet qu'entrevoir de loin l'œuvre qui permettrait à tous les desseins de Dieu de s'accomplir. Son intercession était insuffisante - si fidèle qu'il ait été lui-même et si ardent qu’ait pu être son amour pour le peuple ; elle ne valait, en réalité, que parce que Dieu avait, Lui, devant les yeux ce que Christ ferait plus tard ! Sans cela pas un seul péché n'aurait jamais été supporté.
            Un jour devait venir où, sur une autre montagne, Moïse apparaîtrait en gloire avec Elie, pour y rencontrer Jésus et parler avec Lui de sa mort qu'Il allait accomplir à Jérusalem. Sans cette œuvre de la rédemption alors encore future - que Dieu était seul à connaître -, Il aurait entièrement détruit le peuple au pied du Sinaï, comme Il en avait fait la menace ; Moïse lui-même n'aurait pu être son « élu », ni « se tenir à la brèche ». Cela n'enlève rien à la beauté de la foi de Moïse, type de Celui qui est maintenant le seul Médiateur. Mais cela nous dit combien est grand notre privilège de pouvoir nous approcher par Jésus, en pleine assurance de foi.

            La base initiale constituée par les promesses de Dieu se complète maintenant de cette autre : la mort de Christ. Moïse s'appuyait fermement sur la première et, portant son pied en avant, cherchait encore l'autre à tâtons. Nous avons sous nos pas l'une et l'autre. Où est notre « assurance de foi » ?
 
 
                         Moïse prie pour que l’Eternel marche avec Israël
 
            Moïse ayant intercédé obtient la certitude que le voyage peut reprendre jusqu'en Canaan. Mais cela ne suffit pas à sa foi : il faut que l'Eternel marche avec Israël. Or si l'Eternel, après une première visitation en jugement, dit : « Va, monte… je chasserai le Cananéen… » (Ex. 33 : 2), Il appelle Israël « le peuple que tu as fait monter d'Egypte». Il ne dit pas : « mon peuple », et Il déclare : « J’enverrai un ange devant toi… car je ne monterai pas au milieu de toi, car tu es un peuple de cou roide ; de peur que je ne te consume en chemin » (v. 2-3). Quoi donc ? Tout en lui assurant dans l'avenir la possession du pays dont les habitants actuels seront détruits, Dieu laisserait aller ce peuple et l'introduirait là comme un peuple étranger et non comme le peuple de Dieu ? Israël serait un simple instrument de jugement à l'égard des Cananéens, mais abandonné par l'Eternel, une verge comme Dieu en a tant décrétées au cours de l'histoire pour les jeter après s'en être servi ?
            Non, Moïse ne peut se résoudre à un tel rôle. Pourquoi ? Encore et toujours parce que Dieu a promis, et que Dieu ne serait pas glorifié si ses liens avec Israël étaient coupés ! « Je serai leur Dieu », avait dit l'Eternel (Gen. 17 : 8). Moïse n'avait-il pas encore dans l'oreille la voix entendue autrefois en ce même Horeb : « J'ai vu, j'ai vu l'affliction de mon peuple » (Ex. 3 : 7) ? Lui-même avait « trouvé grâce » aux yeux de l'Eternel, mais à quel titre, sinon parce qu'il avait cru aux promesses que Dieu ne saurait renier, et comment, Dieu l'avait-il choisi sinon en vertu de ces promesses mêmes ?

            « Considère que cette nation est ton peuple», dit Moïse, intercédant pour la troisième fois (v. 12-17). Il est beau de le voir s'enhardir encore et supplier : « Regarde, tu me dis : Fais monter ce peuple ; et tu ne m'as pas fait connaître celui que tu enverras avec moi… Si ta face ne vient pas, ne nous fais pas monter d'ici ». Il ne pourrait se contenter d'une puissance opérant en leur faveur mais distante et inconnue, d'une providence « extérieure » ; il lui fallait une présence. Il fallait que l'Eternel lui-même marche avec son peuple (v. 16).

            Ainsi, Moïse peut dire : « Moi et ton peuple, nous serons séparés de tout peuple qui est sur la face de la terre ». Ce n'est pas seulement un peuple qui sera établi un jour dans le pays, mais un peuple avec qui Dieu se trouve alors qu'Il n'est pas connu ailleurs, un peuple avec qui Dieu entrera et demeurera, un peuple qui par cela même est exposé à la « visitation en jugement » s'il manque, mais un peuple parmi lequel tout croyant pourra toujours avoir affaire avec Dieu.

            Pensée précieuse, mais solennelle, qui commande notre attention. Demander que le Seigneur marche avec nous suppose que nous avons conscience d'être ses enfants avec tout ce que ce titre comporte. Nous réclamons ses soins de Père, mais « nous invoquons comme Père celui qui sans partialité, juge selon l'œuvre de chacun » (1 Pier. 1 : 17). Rechercher sa communion c'est aussi accepter de cœur son intervention en discipline, sans laquelle nous serions des bâtards et non des fils (Héb. 12 : 8). Mais là se trouve également la source de bénédictions excellentes. Moïse en jouit magnifiquement pour lui-même, et pour ceux qui cherchent l’Eternel.
 
 
                         Ayant trouvé grâce aux yeux de l’Eternel, Moïse désire aussi voir Sa gloire
 
            « Tu as trouvé grâce à mes yeux, et je te connais par nom » (Ex. 33 : 17), dit l'Eternel à Moïse. Il parle avec lui comme avec un ami (v. 11). Moïse demande de voir la gloire divine. « Je ferai passer toute ma bonté devant ta face », lui est-il répondu, « ma gloire passera… je te mettrai dans la fente du rocher » (v. 17, 22). Le moment vient où la peau de son visage rayonne, « parce qu'il avait parlé avec Lui » (34 : 29). Autant d'admirables réponses à la foi de Moïse, mais en même temps nous voyons là une manifestation, inconnue jusqu'alors, de cette gloire de Dieu qu'il avait revendiquée et qui se déploie sous un caractère nouveau, qui est celui de la grâce.
            Au chapitre 32, nous trouvons : « Celui qui aura péché contre moi, je l'effacerai de mon livre » ; au chapitre 33, c'est : « Je ferai grâce à qui je ferai grâce » ; au chapitre 34 : « l'Eternel… pardonnant l'iniquité, la transgression et le péché », mais non pas au détriment de la justice puisqu'Il « ne tient nullement celui qui en est coupable pour innocent ». Savoir accorder ces choses était alors le secret divin ; mais maintenant, ce secret est révélé, savoir Christ et son œuvre.
 
            Si nous comprenions mieux que Dieu, nous ayant assuré un avenir par delà cette terre, met sa gloire à s'occuper de nous tandis que nous sommes en route, nous aurions la même ardeur que Moïse pour prier afin qu'Il le fasse : car la foi rappelle sans cesse à Dieu ses promesses, elle fait se ressouvenir Celui qui n'oublie pas (Es. 62 : 6 ; 49 : 15). Une mère ne s'étonne pas que son enfant lui redemande cent fois ce qu'elle lui a promis, cela lui prouve qu'il a cette chose à cœur. Et, considération plus haute et sanctifiante, nous aurions davantage conscience de l'intercession continuelle que, devant Dieu, un plus grand que Moïse effectue inlassablement en vertu de son sacrifice offert une fois pour toutes. C'est à cause de cette intercession que nous sont continués à la fois le secours divin et la discipline paternelle. Sans l'un et l'autre nous ne pourrions faire un pas.
 
 
Moïse vis-à-vis du peuple
 
            Le même souci de la gloire de Dieu anime Moïse dans sa conduite envers le peuple. Il aime Israël comme Paul l'aimera, - plus que lui-même - jusqu'à consentir à être effacé du livre de l'Eternel si seulement Celui-ci pardonne. Il ne pense pas à lui, il ne cherche pas sa propre gloire, il ne veut pas être le père d'un peuple nouveau (Ex. 32 : 10) qui au demeurant serait aussi enclin au mal que l'autre. Il n'a d'autre maison que celle de Dieu, sur laquelle il est établi serviteur (Nom. 12 : 7 ; Héb. 3 : 2). Mais précisément parce qu'il en est ainsi, la gloire de Dieu doit être préservée devant ce peuple.
 
 
                         Moïse revendique la sainteté et la gloire de l’Eternel
 
            Moïse agit avec une sévérité qui paraîtrait de la dureté à qui n'en discernerait pas les mobiles, lorsque, descendu de la montagne, il se trouve en présence du péché d'Israël. Aucun compromis, aucune atténuation ni devant les hommes ni devant Dieu. « Un si grand péché…» (Ex. 32 : 21), dit-il à Aaron. « Vous avez commis un grand péché » (v. 30), reproche-t-il au peuple avant d'aller rendre compte à l'Eternel et s'écrier : « Hélas ! ce peuple a commis un grand péché…» (v. 31).
            La première chose est de détruire l'idole, de rendre le peuple conscient de son abjection (v. 20), puis d'exécuter le jugement avec le concours de « ceux qui sont pour l'Eternel », les fils de Lévi. Ainsi l'apôtre excitait-il les Corinthiens à une action vengeresse jusqu'à ce qu'ils aient montré qu'ils étaient « purs dans cette affaire » (2 Cor. 7 : 11). Moïse agit dans la claire compréhension des vrais intérêts du peuple de Dieu : avant que le levain ait fait lever la pâte tout entière, il faut l'ôter. Il faut enlever la souillure que ce peuple répand sur sa propre gloire (Ps. 106 : 20). Cela est douloureux mais nécessaire.
 
 
                         La fermeté de Moïse pour juger le mal manifeste son amour profond pour le peuple de Dieu
 
            La réaction d’Aaron aux paroles sévères de Moïse (Ex. 32 : 22-24) nous font toucher un point bien sensible, une cause essentielle de notre faiblesse pratique. Aux yeux de la chair, traiter le mal sans ménagement est de la dureté de cœur ! Que de fois nous excusons le péché, chez nous-mêmes d'abord, et avec quelle complaisance, quelle facilité à en rendre d'autres responsables, comme Aaron le fait (Ex. 32 : 22) ! Que de fois le tolérons-nous chez nos proches, et, hélas, dans l'assemblée ! Tant que nous n'appelons pas le mal, mal, et que nous ne faisons pas ce qui est en notre pouvoir pour l'ôter, aucune solution n'est possible à des situations qui empirent alors jusqu'à nous apparaître sans remède. Nous en sommes tous responsables, et particulièrement les conducteurs qui imitent la faiblesse d'Aaron. C'est une triste, mais trop fréquente apologie, que de dire : Les autres sont plongés dans le mal, et moi qui devais les guider je les ai suivis, sans quoi on me reprocherait de manquer d'amour.
            Seulement, prenons garde aussitôt à l'autre côté des choses, et ne manquons pas, effectivement, d'amour. Que de fois il y a véritablement de la dureté de cœur dans la façon dont nous traitons ceux qui tombent ! La chair veut corriger la chair, et, faite sans amour, la répréhension ou la discipline ne produit que des fruits amers. Moïse censure Aaron avec colère, il humilie le peuple en lui faisant boire l'eau où il a mêlé la poudre de l'idole brûlée au feu, il appelle les Lévites à tirer l'épée contre leurs proches, mais en réalité il aimait le peuple bien mieux qu'Aaron se prêtant au mal. C'est le même Moïse qui « s'est tenu à la brèche » devant l'Eternel pour ces coupables, qui va, le lendemain, remonter vers Lui en s'offrant comme victime expiatoire pour eux. L'énergie de sa conduite à leur égard procède de son amour pour eux, qui sont le peuple de l'Eternel.

            A sa sainte indignation de Moïse se joint une ardente douleur : il va se prosterner devant l'Eternel quarante jours et quarante nuits. Il le supplie à cause du péché qu’ils ont commis, et il intercède spécialement pour Aaron (Deut. 9 : 20, 25-29). Il fallait traiter le mal comme il le mérite mais Moïse en prend l'amertume sur lui. Méditons beaucoup cet exemple, de même que celui de Paul parlant aux Corinthiens le langage de l'amour sans hypocrisie. Mais bien davantage encore, pensons à Celui qui pleura sur la ville dont Il annonçait le jugement, et qui, lorsqu'Il proférait tant de « Malheur à vous » sur les chefs de la nation coupable était sur le point de mourir pour cette nation.
 
 
                         Après l’humiliation du peuple, Moïse l’appelle à sortir vers l’Eternel, loin du camp
 
            Un résultat est produit chez le peuple. Entendant la « parole fâcheuse » (Ex. 33 : 4) que Dieu leur adresse, les fils d’Israël se dépouillent de leurs ornements. Moïse reprend aussitôt son rôle de conducteur. Il y a espoir puisqu'il y a humiliation. Mais il ne servirait de rien de rester indéfiniment à se lamenter. Il faut se lever et partir. Or comment se remettre en route maintenant que le camp a été souillé ? La gloire de l'Eternel ne peut se trouver là où a été dressée l'idole. Il ne peut repartir de là avec le peuple. Et pourtant, il faut que les fidèles puissent se trouver en relation avec Lui, il faut un endroit où rencontrer Dieu. Ce ne peut être que hors du camp. Moïse alors tend la tente d'assignation, « pour lui hors du camp, loin du camp ». Ainsi, il ne suffit pas de dénoncer le mal, de le juger et d'en pleurer. Il faut s'en séparer, et rechercher la communion avec le Seigneur, et avec les fidèles, sur un terrain non souillé, hors du camp. Jésus est là, le vrai Moïse, « sortons vers Lui » (Héb. 13 : 13). Là nous attend la bénédiction.
            Cette position prise, la marche est à poursuivre ; « nous n’avons pas ici de cité permanente, mais nous recherchons celle qui est à venir » (Héb. 13 : 14). Il faut pour cela que Dieu aille avec Son peuple. Nous avons déjà considéré Moïse intercédant pour cela, mais le faisant dans cette position de séparation et de bénédiction - l'Eternel parle avec lui comme avec son ami. Il y a un but (33 : 1), mais il y a un chemin, celui de l'Eternel (v. 13), et il y a l'Eternel allant avec son peuple dans ce chemin (v. 16). La foi ne peut avancer autrement. Elle compte sur Dieu, mais avec la crainte qui est due à Celui qui agit avec support, en grâce, mais qui est un « feu consumant ».
 
 
                         Sur la montagne, Moïse se tient une seconde fois devant l’Eternel pour recevoir les paroles de la Loi
 
            Moïse doit remonter sur la montagne. Il y reçoit cette merveilleuse révélation de l'Eternel passant tandis que lui est caché dans la fente du rocher, et puis il redescend une fois de plus vers le peuple, pour demeurer avec lui. Il lui rapporte La loi. Ce peuple l'avait déjà violée, aussi ce n'est plus : « tout ce que l'Eternel a ordonné, nous le ferons ». Le peuple n'a rien à exprimer. Comment promettrait-il quoi que ce soit ? Mais c'est Dieu qui a parlé : « Je ferai grâce à qui je ferai grâce…». Moïse ne peut que dire : « C'est un peuple de cou roide », mais à cause de cela il demande : « Seigneur, que le Seigneur marche, je te prie, au milieu de nous », ajoutant : « et pardonne nos iniquités et nos péchés, et prends-nous pour héritage » (Ex. 34 : 9).
            Mais ce peuple garderait-il la Loi ? Incapable de le faire dans les conditions précédentes, celles de son engagement, il se montre incapable maintenant de supporter même le rayonnement de la face de Moïse, l'éclat de la gloire divine brillant en grâce, et en grâce donnant la loi. La Loi demeure la Loi et le peuple, hélas, reste ce qu'il est. L'âme sincère pouvait dire, mais sans pouvoir aller au-delà : L'Eternel pardonne, Il continue à s'occuper de nous, sa grâce ne nous manquera pas, mais comment garderai-je cette Loi redoutable ? Elle était le ministère de la mort et de la condamnation parmi un peuple de cou roide. Le fidèle ne pouvait que le reconnaître, accepter sa condamnation comme pécheur, mais la manière glorieuse dont la Loi était introduite donnait l'espérance à sa foi. Si Dieu n'avait été que le Dieu de la Loi, Il ne serait pas monté avec le peuple, parce que « tu es un peuple de cou roide » (33 : 3), mais Il monte comme Dieu de la grâce pour cette même raison, parce que « c'est un peuple de cou roide » (34 : 9). Il est le Même, mais Il se révèle toujours davantage.
 
 
                         La foi possède maintenant ce que Moïse ne pouvait qu’entrevoir : Christ dans le ciel
 
            Au temps convenable Dieu devait révéler sa justice dans l'Evangile, montrer que la Loi était nécessaire pour faire resplendir la grâce : une fois le péché mis en évidence dans tout son caractère, Dieu montre qu'Il avait pourvu à son jugement définitif, de sorte que le pécheur soit justifié et le péché finalement ôté du monde. Jusque-là, un voile devait être placé sur la manifestation glorieuse mais passagère de cette grâce, le regard ne pouvait s'arrêter « sur la consommation de ce qui devait prendre fin ». L'ardente supplication du fidèle devait être que ce voile soit ôté un jour. Il l'a été. Ce n'est pas à un Moïse cachant le reflet d'une gloire dont nul ne pouvait supporter l'éclat que nous avons affaire. La gloire de Dieu brille dans la face de Christ et nous sommes appelés à « contempler à face découverte la gloire du Seigneur », pour être « transformés en la même image, de gloire en gloire, comme par le Seigneur en Esprit » (2 Cor. 3 : 18). L'Eternel était la gloire d'Israël, Christ celle de l'Eglise.
            Cette gloire nous est-elle chère, et ceux sur qui elle repose nous sont-ils chers ? Nous ne sommes pas meilleurs que ces Israélites, et nous sommes plus responsables, appelés à marcher dans la lumière apportée par Christ. Dieu ne sacrifiera pas plus ses droits pour nous que pour eux, et ne permettra pas que son nom soit associé aux idoles de ce monde devant lesquelles nos cœurs s'inclineraient si aisément. Mais Dieu donne toujours à la foi les ressources répondant à la responsabilité.

            La foi possède maintenant un objet que Moïse ne pouvait entrevoir que confusément. Christ est tout :
                  - le vrai Moïse, intercesseur divin,
                  - la vraie tente d'assignation où l'on rencontre Dieu,
                  - le chemin, la vérité, la vie (Jean 14 : 6). Il n'est pas seulement le moyen d'aller au ciel, Il est le chemin sur la terre, et Il est « tous les jours » avec les siens (Matt. 28 : 20).
 
 
            Frères, comportons-nous « en hommes », fortifions-nous (1 Cor. 16 : 13). Si affligeant que soit l'état du peuple de Dieu, la place du fidèle est « à la brèche », comme Moïse, comme Paul assiégé tous les jours par « la sollicitude pour toutes les assemblées » (2 Cor. 11 : 28). Les ressources de la foi sont les mêmes en tous temps ; comme eux, employons-les, dans la séparation du mal, du monde, la défiance de nous-mêmes, le sentiment que tout est grâce. Nous excuser sur notre faiblesse, c'est abaisser le niveau divin ; mais penser et agir comme si Dieu était désarmé par notre infidélité Lui est aussi une grave offense.
 
 

                                                                    A.Gibert - « Messager évangélique » (1953 p. 169-181)