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ENSEIGNEMENTS TIRES DE LA VIE DE JOSAPHAT

 Un beau début de règne (2 Chroniques 17)
 L’alliance avec Achab, un piège pour Josaphat (2 Chroniques 18 : 1-27)
 Le cri de Josaphat dans la détresse et le secours divin (2 Chroniques 18 : 28-34)
 Le roi en paix dans Jérusalem (2 Chroniques 19 : 1 -11)
 La mise à l’épreuve de la foi de Josaphat (2 Chroniques 20 : 1-30)
 Derniers manquements et fin de Josaphat (2 Chroniques 20 : 35 - 21 : 1a)

 
           En parcourant le récit que nous donne l'Ecriture des deux royaumes d'Israël et de Juda, depuis leur séparation sous Roboam, nous reconnaîtrons sans difficulté la différence profonde qui existe entre eux. La suite des rois d’Israël, de Jéroboam à Osée, ne présente qu'une sombre et triste succession d'hommes qui font ce qui est mauvais aux yeux de l'Eternel. En vain chercherions-nous une seule exception. Même Jéhu, qui manifesta tant de zèle et d'énergie pour abolir l'idolâtrie, montra dans la suite que son cœur était loin d'être droit devant Dieu. En fait, un épais nuage d'idolâtrie semble avoir couvert toute la maison d'Israël, jusqu'au jour où les dix tribus furent transportées au delà de Babylone, et dispersées parmi les nations.

            Il n'en fut pas ainsi de Juda. Là, nous trouvons quelques heureuses exceptions ; là, nous voyons luire, de temps à autre, quelques rayons brillants de cette lampe que l'Eternel avait si gracieusement promis de maintenir à Jérusalem, pour l'amour de David, son serviteur. L'âme est rafraîchie, en lisant l'histoire d'hommes tels que Joas, Asa, Josias et Ezéchias, dont les cœurs étaient dévoués au service du sanctuaire, et qui, par conséquent, exercèrent sur leur époque une sainte influence.
            C'est sur la vie d'un de ces hommes de Dieu, que je désire m'arrêter un peu, dans la confiance que le Seigneur nous y fera trouver profit et instruction.

  
Un beau début de règne (2 Chroniques 17)

            Josaphat, roi de Juda, nous est présenté d'abord dans le chapitre 17 du second livre des Chroniques. Nous y voyons Dieu, dans sa grâce, établissant son serviteur sur le royaume, et le peuple de Dieu le reconnaissant. Le premier acte de Josaphat fut de se fortifier « contre Israël ». Cela est digne de remarque. Israël et son roi furent toujours un piège pour le cœur de Josaphat. Mais au commencement de sa carrière, au temps de la première fraîcheur de sa piété, comme roi, il fut capable de fortifier son royaume contre la puissance d'Israël.
            Or, voici ce que l'on observe souvent dans l'histoire des chrétiens. Le mal qui, dans la suite de leur vie, sera leur plus grand piège, est celui contre lequel ils auront été le plus en garde au commencement de leur course. Combien il serait heureux qu'à une connaissance croissante des tendances de notre cœur, se joigne un esprit croissant de vigilance ! Mais, hélas ! tel n'est pas toujours le cas. Au contraire, on ne trouve que trop fréquemment des chrétiens entrés depuis plusieurs années dans la carrière, et qui se laissent aller à des choses qu'au commencement leur conscience aurait réprouvées. On dira peut-être qu'ils se sont affranchis d'un esprit de légalisme ; mais cela ne proviendrait-il pas plutôt de ce qu'ils ont perdu la délicatesse de la conscience ? Ce serait une triste chose, si le résultat de vues plus larges devait être un esprit insouciant ou une conscience endurcie, ou si la connaissance de principes plus élevés de la vérité ne tendait qu'à rendre amateurs de leurs aises, indifférents et mondains, ceux qui, auparavant, vivaient dans le renoncement d'eux-mêmes et la séparation du monde. Mais il n'en est pas ainsi. Croître dans la connaissance de la vérité, c'est croître dans la connaissance de Dieu, et plus Dieu est connu, plus l'âme croît dans la sainteté pratique. La conscience qui peut laisser passer, sans les reprendre, des choses devant lesquelles autrefois elle aurait reculé, au lieu d'être sous l'action de la vérité de Dieu, est, il est fort à craindre, sous l'influence endurcissante de la séduction du péché.
            Toute la scène que nous présente le chapitre 17 est pleine d'intérêt. Non seulement Josaphat conserve les conquêtes d'Asa, son père, mais, par ses efforts personnels, il augmente aussi les ressources de son royaume. Tout est bien ordonné. « L'Eternel fut avec Josaphat, car il marcha dans les premières voies de David, son père, et ne rechercha point les Baals, mais il rechercha le Dieu de son père, et marcha dans ses commandements, et non comme faisait Israël. Et l'Eternel affermit le royaume dans sa main ; et tout Juda fit des présents à Josaphat, et il eut beaucoup de richesses et de gloire. Et il prit courage dans les voies de l'Eternel, et de plus, il ôta de Juda les hauts lieux et les ashères » (v. 3-6). Là était le vrai secret de sa prospérité : « Il prit courage dans les voies de l'Eternel ». Quand le cœur prend courage de cette manière, tout va bien.

  
L’alliance avec Achab, un piège pour Josaphat (2 Chroniques 18 : 1-27) 

            Quel changement nous trouvons au chapitre 18 ! Le diable se sert de la prospérité de Josaphat comme d'un piège contre lui. « Josaphat eut beaucoup de richesses et de gloire, et il s'allia par mariage avec Achab » (v. 1). Nous avons déjà remarqué que Josaphat fortifia son royaume ; mais l'ennemi vient d'une manière contre laquelle Josaphat ne semble pas s'être préparé : il n'attaque pas son royaume, mais son cœur. Il ne vient pas comme un lion, mais comme un serpent. « Le menu et le gros bétail » d'Achab produisent plus d'effet que ses hommes de guerre. Si Achab avait déclaré la guerre à Josaphat, cela n'aurait fait que rejeter celui-ci sur l'Eternel ; mais Achab ne le fait pas. Le royaume de Josaphat est fortifié contre les attaques d'Achab, mais son cœur est resté ouvert aux séductions du roi d'Israël. Combien cela est sérieux ! Nous faisons souvent de grands efforts contre le mal sous une forme, tandis que nous le laissons entrer en nous sous une autre. Josaphat, au commencement, s'était fortifié contre Israël, et maintenant il s'allie par mariage avec le roi d'Israël. Et pourquoi ? Quelque heureux changement s'était-il donc opéré dans ce dernier ? Le cœur d'Achab s'était-il tourné vers l'Eternel ? Nullement. Il était resté le même, mais la conscience de Josaphat avait beaucoup perdu de sa première sensibilité ; il s'était approché du mal et s'y était mêlé ; il avait touché la boue et en était souillé. « Il s'allia par mariage avec Achab » ; là était le mal, un mal qui, si lent qu'il fût dans son action, devait porter son fruit tôt ou tard. « Celui qui sème pour sa propre chair moissonnera de la chair la corruption » (Gal. 6 : 8) - principe qui se réalise inévitablement. La grâce peut triompher par le pardon du péché, mais le fruit de celui-ci se montrera en son temps selon le gouvernement de Dieu. L'Eternel fait passer le péché de David, dans l'affaire d'Urie ; mais l'enfant meurt, et Absalom se révolte. Il en sera toujours ainsi. Si nous semons pour la chair, nous moissonnerons la corruption. La chair ne peut produire rien d'autre.
 

                        Les conséquences d’un faux pas

            Ce ne fut qu'au bout de quelques années que les résultats du faux pas de Josaphat commencèrent à se montrer. « Et au bout de quelques années, il descendit vers Achab, à Samarie ; et Achab tua pour lui et pour le peuple qui était avec lui, du menu et du gros bétail en abondance, et il le persuada de monter contre Ramoth de Galaad » (v. 2). Satan connaît son terrain ; il sait où la semence du mal a pris racine ; il connaît le cœur préparé à répondre à sa tentation ; il savait que l'alliance dans laquelle le roi de Juda est entré avec le roi d'Israël, avait préparé le premier à faire d'autres pas dans cette route fatale. Lorsqu'un chrétien se met en relation avec le monde, il ouvre le chemin pour être « persuadé » par le monde, et pour entrer dans une voie qui n'est pas chrétienne. David accepte Tsiklag des mains d'Akish, et le premier pas qu'il fait ensuite, c'est de se joindre à Akish contre Israël (1 Sam. 27-28). Le monde ne donnera jamais rien à un enfant de Dieu sans lui demander beaucoup en retour. Après que le roi de Juda eut permis à Achab de tuer pour lui du menu et du gros bétail, il lui aurait été difficile de ne pas satisfaire au désir d'Achab par rapport à Ramoth de Galaad. La place la plus sûre est donc de ne rien avoir à faire avec Achab ; il aurait dû se garder pur. L'Eternel n'était pas avec Achab, et bien qu'il pût sembler désirable d'arracher une des villes de refuge des mains de l'ennemi, Josaphat cependant aurait dû savoir, que l'on ne doit pas faire le mal pour qu'il en arrive du bien. Si nous nous unissons au monde dans ses desseins, il faut nous attendre à être enveloppés dans ses troubles.
            Ramoth de Galaad avait été autrefois désignée comme ville de refuge pour le meurtrier involontaire (Deut. 4 : 43) ; l'objet d'Achab était de la reprendre au roi de Syrie. Mais derrière cette expédition, nous pouvons découvrir le piège de l'ennemi qui se souciait peu de la ville de refuge, pourvu que, par ce moyen, il pût détourner un enfant de Dieu du sentier de la pureté et de la séparation. Le diable a toujours trouvé que les objets religieux et charitables étaient les plus efficaces pour exercer de l'influence sur ceux qui appartiennent à Dieu. Il ne vient pas d'abord à eux avec quelque chose d'ouvertement mauvais ; il n'engagera pas un croyant à se joindre au monde pour quelque dessein coupable : il sait bien qu'une conscience délicate s'y refusera. Il placera plutôt devant les yeux quelque objet bon et désirable, afin de couvrir ses plans du manteau de la religion et de la bienfaisance, et ainsi d'enlacer ceux qu'il veut séduire. Mais il y a une vérité qui, réalisée, délivrerait efficacement le chrétien de toute association avec les hommes de ce monde. L'apôtre, par le Saint Esprit, nous enseigne que les incrédules sont « pour toute bonne œuvre, disqualifiés » (Tite 1 : 16). Cela est assez pour un cœur obéissant. Nous ne devons pas nous joindre à de telles gens. Peu importe ce qu'ils nous proposent - œuvres de bienfaisance ou œuvres religieuses -, l'Ecriture nous dit qu'ils sont disqualifiés, oui « disqualifiés », tout en professant connaître Dieu. Cela doit nous suffire. Dieu ne peut accepter ni reconnaître les œuvres, ni les offrandes, de ceux dont les cœurs sont éloignés de Lui, et l'Eglise ne devrait pas s'unir à eux, même lorsqu'il s'agit de l'accomplissement de choses désirables. « Garde-toi pur toi-même » (1 Tim. 5 : 22), est un avertissement qui a sa valeur pour nous tous. « Ecouter (ou : obéir) est meilleur que sacrifice, prêter l'oreille, meilleur que la graisse des béliers » (1 Sam. 15 : 22). Il aurait infiniment mieux valu pour Josaphat de s'être gardé pur de tout contact avec la souillure d'Achab, que d'avoir recouvré Ramoth de la main des Syriens, au cas où il eût réussi.

            Josaphat eut à apprendre cela par une pénible expérience ; et c'est de la même manière que beaucoup d'entre nous apprennent aussi leurs leçons. Nous pouvons parler beaucoup de certaines vérités, tout en ne les connaissant que fort peu par expérience. Quand Josaphat, au commencement de sa carrière, se fortifia contre Israël, il n'aurait pas imaginé que, plus tard, il serait entraîné dans le mal par le plus mauvais des Israélites. La seule sauvegarde efficace contre le mal est d'être, à son égard, en communion avec Dieu. Quand nous considérons le mal dans la lumière de la sainteté divine, nous voyons non seulement l'acte, mais le principe, et si le principe n'est pas bon, peu importe le résultat, nous n'avons rien à faire avec lui. Mais agir ainsi avec le mal demande un sérieux exercice d'âme devant Dieu, beaucoup de spiritualité, de jugement de soi-même, de prière et de vigilance. Le Seigneur nous accorde ces choses, ainsi qu'une conscience plus sensible et plus délicate en la présence de Dieu.

            Nous ne nous figurons pas quelles tristes conséquences résultent d'un faux pas dans la marche d'un enfant de Dieu. Elles ne nous apparaissent pas toujours dans toute leur étendue ; mais l'Ennemi a soin d'en faire usage, non seulement pour nuire à celui qui a manqué, mais à d'autres qui sont les témoins de la faute et qui en subissent l'influence. Josaphat ne tomba pas seul dans le piège ; il y entraîna son peuple. « Moi, je suis comme toi », dit-il à Achab ; et il ajoute : « et mon peuple comme ton peuple » (v. 3). Quel terrain bas et méprisable pour un homme de Dieu ! Quelle place pour y introduire le peuple de Dieu ! « Je suis comme toi ». Ainsi parla Josaphat, et bien lui en prit que ses paroles ne fussent pas vérifiées jusqu'au bout. Dieu ne le jugea pas, comme il le fit d'Achab. Là était sa vraie sécurité, même au milieu des terribles conséquences de sa conduite irréfléchie. Il n'était pas comme Achab à la fin de sa carrière, bien qu'il se fût allié avec lui dans l'intention de poursuivre ses desseins ; il n'était pas comme Achab, quand celui-ci fut percé d'une flèche ; il n'était pas comme Achab, dont les chiens vinrent lécher le sang. L'Eternel avait mis entre Achab et lui une différence.

            Mais nous devrions nous rappeler que, lorsqu'un chrétien s'unit au monde, dans un but quelconque, religieux ou philanthropique, c'est comme s'il disait (ainsi que Josaphat à Achab) : « Moi, je suis comme toi ». Que le lecteur chrétien se demande : « Est-ce juste » ? Est-il préparé à dire cela ? Il ne sert de rien de prétendre que nous n'avons pas à juger les autres. Josaphat aurait dû juger, comme le montre bien le langage que lui tient le prophète Jéhu, à son retour de Ramoth : « Aides-tu au méchant, et aimes-tu ceux qui haïssent l'Eternel ? » (19 : 2). Comment aurait-il pu connaître, sans juger celui qui était méchant ou qui haïssait l'Eternel ? Nous n'avons certainement aucun droit à juger ceux de dehors, mais nous sommes tenus d'exercer notre jugement à l'égard de ceux avec qui nous entrons en communion. Cela n'implique en rien l'idée d'une supériorité personnelle sur qui que ce soit et en quoi que ce soit. Cela ne veut pas dire : « Tiens-toi loin, ne me touche pas, car je suis plus saint que toi ». Non ; mais : « Je dois me tenir à part, parce que Dieu est saint ». C'est là le vrai principe. C'est sur le fondement de ce que Dieu est, et non de ce que nous sommes, que nous nous séparons du mal connu et manifeste : « Soyez saints, car moi je suis saint » (1 Pier. 1 : 16).

            Josaphat avait manqué à garder cette séparation d'avec le mal, et, comme nous l'avons remarqué, en manquant lui-même, il en avait entraîné d'autres dans sa chute. De là résulte pour nous une importante leçon. Josaphat, par le dévouement qu'il avait d'abord montré pour l'Eternel, avait, on peut le supposer, gagné une influence considérable sur son peuple ; la confiance et l'affection des cœurs lui appartenaient, et, jusqu'à un certain point, cela était juste. Il est bien que l'on aime ceux qui marchent avec dévouement, et que l'on ait en eux de la confiance ; mais nous devons veiller avec un soin jaloux sur la tendance dangereuse de l'influence personnelle. Personne, si ce n'est quelqu'un possédant une très grande influence, n'aurait pu dire : « Mon peuple est comme ton peuple ». Il aurait dit : « Je suis comme toi », mais pas davantage. Cette grande influence employée en dehors de la communion de Dieu, ne fait que rendre l'homme qui la possède un instrument de mal plus efficace. Satan savait cela ; il connaissait la position de Josaphat ; il ne s'attacha pas à un homme ordinaire de Juda, mais à celui qui était le plus en vue et dont l'influence était la plus grande, sachant bien que, s'il réussissait à le faire dévier, d'autres le suivraient. Et il ne fut pas trompé dans son attente. Plusieurs auraient pu dire : « Quel mal y a-t-il à se joindre à l'expédition d'Achab ? Assurément s'il y en avait, un homme aussi pieux que Josaphat ne s'y engagerait pas. Aussi longtemps que nous le voyons là, nous pouvons être tranquilles à cet égard ». Si ce langage ne fut pas tenu au temps de Josaphat, on l'entend certainement de nos jours. Combien souvent des chrétiens ne disent-ils pas : « Comment y aurait-il du mal dans telles ou telles choses, lorsque nous voyons tant d'hommes d'une grande piété s'y associer et s'en occuper ? ». Raisonner de cette manière est absolument faux et mauvais d'un bout à l'autre ; c'est tout ce que l'on en peut dire. Que les autres fassent comme ils le jugent bon ; nous sommes responsables envers Dieu d'agir d'après ses principes. Nous devons être capables, par grâce, de rendre raison humblement, mais avec décision, d'une manière saine et intelligente, de la conduite que nous tenons, indépendamment de ce que font les autres. Nous savons d'ailleurs que les hommes les meilleurs peuvent se tromper et mal agir. Ils ne sont donc pas et ne peuvent pas être nos guides. C’est pour son propre maître que le serviteur « se tient debout ou qu’il tombe » (Rom. 14 : 4). Une intelligence spirituelle, une conscience éclairée par la Parole de Dieu, un sentiment réel de notre responsabilité personnelle, en même temps que la droiture d'intention, telles sont les choses dont nous avons spécialement besoin. Si elles nous font défaut, notre marche sera défectueuse.

            Mais, dira-t-on peut-être, ils sont peu nombreux, si même il en est, qui occupent une position telle, que leur conduite puisse exercer une influence aussi étendue que celle du roi Josaphat. Pour répondre à cette objection, il est nécessaire de nous arrêter un moment sur une vérité tristement négligée de nos jours, je veux dire celle de l'unité du corps de Christ, et de l'effet qui résulte pour le corps entier, de la conduite de chaque membre, si obscur soit-il. La grande doctrine de l'unité de l'Eglise sur la terre est, on doit le craindre, faiblement comprise et faiblement réalisée, même par les chrétiens les plus intelligents et les plus spirituels. La raison en est évidente. Cette doctrine est envisagée au point de vue de la condition actuelle de l'Eglise, plutôt que telle qu'elle nous est présentée dans le Nouveau Testament ; de cette manière, l'unité ne peut jamais être comprise. Si nous prenons simplement l'Ecriture pour guide, nous n'aurons pas de difficulté à cet égard. Là nous lisons : « Si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui » (1 Cor. 12 : 26). Ce principe n'avait pas son application au temps du roi Josaphat, parce que le corps de Christ n'existait pas effectivement. Tous les membres en étaient inscrits dans le livre de Dieu ; mais en fait, il n'y avait pas encore un seul d'entre eux : ils existaient dans le dessein de Dieu, mais ce dessein n'avait pas été réalisé. C'est pourquoi, bien qu'un si grand nombre eussent été entraînés par l'influence de Josaphat, ce n'était nullement d'après le principe indiqué dans le passage cité plus haut. Ils ne souffraient pas de l'acte d'un seul, parce qu'ils étaient d'un seul corps ; ils étaient égarés par un seul, en suivant son exemple. La distinction est très importante. Il n'y a pas un seul membre de l'Eglise, quelque obscur qu'il soit, dont la marche et la conduite n'affectent pas, en quelque mesure, tous les membres. « Nous avons tous été baptisés d'un seul Esprit pour être un seul corps, soit Juifs, soit Grecs, soit esclaves, soit hommes libres ; et nous avons tous été abreuvés d'un seul Esprit » (1 Cor. 12 : 13). C'est pourquoi, si la marche d'un chrétien est relâchée ou négligente, s'il ne vit pas en communion avec Dieu, s'il ne prie pas, s'il manque dans la vigilance ou le jugement de lui-même, il fait réellement tort au corps entier ; tandis qu'au contraire, quand il marche plein de santé et de vigueur spirituelles, il avance le bien de tous.
  

                        Des prophètes corrompus

            Ce ne fut pas sans lutte que Josaphat céda aux sollicitations d'Achab. On peut voir l'action de la conscience dans ces paroles qu'il adresse au roi d'Israël : « Enquiers-toi aujourd'hui, je te prie, de la parole de l'Eternel » (v. 4). Mais combien vain était-il de demander d'être guidé, après avoir déjà dit : « Moi, je suis comme toi, et mon peuple comme ton peuple ; et je serai avec toi dans la guerre ». C'est une vraie moquerie que de demander une direction, lorsque déjà nos résolutions sont formées ; et pourtant, combien fréquemment nous agissons ainsi ! Combien il nous arrive souvent de décider ce que nous ferons, et ensuite de demander au Seigneur de nous diriger ! Tout cela est mal ; c'est honorer Dieu des lèvres, tandis que le cœur est en rébellion positive contre lui. Au lieu d'obtenir la direction demandée, n'aurions-nous pas plutôt lieu de craindre d'être déçus par un esprit de mensonge ?
            Achab ne manquait pas de conseillers. Il rassembla promptement « quatre cents prophètes », tous prêts à le conseiller selon le désir de son cœur. « Monte », disaient-ils, « et Dieu la livrera en la main du roi » (v. 5). C'était ce qu'il voulait. Il ne faut pas s'étonner qu'Achab fût entièrement satisfait de tels prophètes : ils lui convenaient bien.
            Assurément, Josaphat n'aurait pas même dû sembler les reconnaître comme prophètes de l'Eternel, ainsi qu'évidemment il le fait, en disant : « N'y a-t-il pas ici encore un prophète de l'Eternel ? » (v. 6). S'il avait été fidèle à l'Eternel, il aurait immédiatement nié le droit de ces faux prophètes à émettre un conseil. Mais, hélas ! il encourage pleinement la religion du monde et ses ministres. Il ne peut se décider à blesser les sentiments d'Achab, en agissant fidèlement à l'égard de ses prophètes. Ils étaient tous, aurait-on cru, des hommes comme ils devaient être. Quelle chose terrible que de tomber dans une condition d'âme, où nous sommes incapables de rendre un témoignage distinct et fidèle contre les ministres de Satan ! « Il nous faut être larges », dit-on ; « nous devons éviter de blesser les sentiments des gens » ; « il y a d'honnêtes gens partout ». Mais la vérité est la vérité ; nous ne pouvons mettre l'erreur pour la vérité, ni la vérité pour l'erreur. Rien, si ce n'est le secret désir d'être bien avec le monde, ne conduira jamais à cette insouciante manière d'agir à l'égard du mal. Si nous voulons être bien avec le monde, que ce soit au moins à nos propres dépens, et non aux dépens de la vérité de Dieu. On dit souvent : « Il faut présenter la vérité sous un aspect attrayant » ; mais cela signifie, en réalité, que l'on fait de la vérité une espèce de chose variable, élastique, qui peut prendre toutes les dimensions et toutes les formes, pour s'adapter aux goûts et aux habitudes de ceux qui volontiers voudraient la faire disparaître du monde. Mais la vérité ne se laisse point traiter ainsi ; elle ne peut s'abaisser au niveau du monde. Ceux qui professent la garder peuvent chercher à en user de cette manière, mais elle demeurera toujours le même témoin, saint, pur et fidèle, contre le monde et toutes ses voies. Elle parlera clairement, si sa voix n'est pas étouffée par la pratique de ses infidèles serviteurs. Quand Josaphat est descendu si bas que de reconnaître les faux prophètes pour plaire à Achab, où trouver un témoignage distinct pour Dieu ? Tout semble s'abaisser à un même niveau, et l'ennemi paraît avoir le champ libre. La voix de la vérité est réduite au silence, les prophètes prédisent ce qui est faux, Dieu est oublié. Il en est toujours ainsi. La tentative d'accommoder la vérité aux pensées de ceux qui sont du monde, ne peut qu'aboutir à un complet insuccès. Il n'y a pas d'accommodement possible. Que la vérité demeure à sa hauteur céleste, que les croyants se tiennent pleinement et fermement avec elle, et qu'ils invitent les pécheurs à prendre place avec eux ; mais qu'ils ne descendent pas jusqu'aux recherches et aux habitudes basses et viles du monde, et qu'ils n'enlèvent pas à la vérité, pour autant qu'il est en eux de le faire, son tranchant et sa puissance. Il vaut beaucoup mieux laisser voir nettement le contraste entre la vérité de Dieu et nos voies, que de chercher à les identifier en apparence, lorsqu'en réalité elles ne s'accordent pas entre elles. On s'imagine recommander la vérité aux esprits de ceux du monde, en s'efforçant de se conformer à leur manière de vivre ; mais bien loin de la recommander, on l'expose ainsi au mépris. Assurément, Josaphat n'avança en rien la cause de la vérité en s'accommodant aux manières de voir d'Achab, et en reconnaissant les droits des faux prophètes. L'homme qui se conforme au monde, sera l'ennemi de Christ et de ses disciples. Il ne saurait en être autrement. « Adultères, ne savez-vous pas que l'amitié du monde est inimitié contre Dieu ? Ainsi, quiconque voudra être ami du monde, se constitue ennemi de Dieu » (Jac. 4 : 4).

 

                        Josaphat sans réaction après le message fidèle de Michée 

            Combien tout ce que nous venons de dire se montre dans le cas du roi Josaphat ! Il devient l'ami et le compagnon d'Achab qui haïssait Michée, le serviteur de Dieu, et voyez quelle en est la conséquence. Sans persécuter directement le témoin fidèle et juste, il fait ce qui est aussi mal, car il est assis à côté d'Achab et voit le prophète de l'Eternel frappé d'abord, puis jeté en prison, simplement parce qu'il ne veut pas dire un mensonge pour plaire à un méchant roi, et être d'accord avec quatre cents faux prophètes.
            Quels ne devaient pas être les sentiments de Josaphat, en contemplant son frère maltraité et emprisonné, à cause de sa fidélité à témoigner contre une expédition dans laquelle lui-même était engagé ! Mais telle était la position dans laquelle l'avait placé forcément son alliance avec Achab ; il ne pouvait pas éviter d'être le témoin de ces procédés de méchanceté, et même bien plus, d'y participer. Quand quelqu'un s'associe avec le monde, il faut qu'il aille jusqu'au bout ; l'ennemi ne se contente pas de demi-mesures ; au contraire, il fera tous ses efforts pour pousser un croyant qui est sorti de la communion avec Dieu, jusqu'aux dernières limites du mal. Le commencement du mal est comme lorsqu'on laisse couler des eaux. Les petits commencements conduisent aux plus terribles résultats. D'abord, on n'a fait que toucher au mal légèrement et comme à distance ; puis, par degrés, on s'en est approché ; ensuite, on y tient plus fermement, et, enfin, on s'y plonge résolument, et rien, sauf une intervention positive de Dieu, ne peut plus en tirer hors.


Le cri de Josaphat dans la détresse et le secours divin (2 Chroniques 18 : 28-34)

            Josaphat « s'était allié par mariage avec Achab » ; puis il avait accepté son hospitalité ; ensuite, il se laissa « persuader » d'entrer avec lui dans une association ouverte ; et finalement, il prend la place d'Achab dans la bataille de Ramoth de Galaad. Il avait dit : « Moi, je suis comme toi », et Achab le prend au mot, car il lui dit : « Revêts-toi de tes robes » (v. 29). Ainsi, Josaphat se dépouille si complètement de son identité personnelle, en vue des hommes du monde, que, « quand les chefs des chars virent Josaphat, ils dirent : C'est le roi d’Israël » (v. 31). Terrible position pour Josaphat ! Se voir là, représentant le pire des rois d'Israël et pris pour lui, quelle triste preuve du danger de s'associer avec les hommes du monde ! Josaphat fut heureux que l'Eternel ne l'eût pas pris au mot, lorsqu'il disait à Achab : « Moi, je suis comme toi ». L'Eternel savait que Josaphat n'était pas Achab, bien qu'ayant pris sa place, il pût être pris pour lui. La grâce avait fait entre eux une différence, et la marche de Josaphat aurait dû montrer ce que la grâce avait fait pour lui. Mais, béni soit le Seigneur, Il « sait délivrer de la tentation les hommes pieux » (2 Pier. 2 : 9), et, dans sa miséricorde, Il délivra son pauvre serviteur du mal dans lequel il s'était plongé lui-même et où il aurait péri, si la puissante main de Dieu ne s'était pas étendue vers lui pour le secourir.
            « Josaphat cria, et l'Eternel le secourut ; et Dieu les porta à s'éloigner de lui » (v. 31).
On remarquera que, dans ce verset, Dieu est présenté sous deux noms différents. « L'Eternel » est le nom qui exprime sa relation avec son serviteur en détresse, relation en grâce, tandis que le mot « Dieu » montre le contrôle suprême qu'Il exerçait sur les chefs syriens. Distinction divinement parfaite ! Comme l'Eternel, Il agit envers son peuple racheté, allant au-devant des siens dans leur faiblesse, et suppléant à tous leurs besoins ; mais comme Dieu, Il tient dans sa main puissante les cœurs de tous les hommes et les tourne comme il Lui plaît. Or généralement, les personnes incroyantes emploient l'expression « Dieu », plutôt que « l'Eternel », ou « le Seigneur ». Elles pensent à Dieu comme à quelqu'un duquel on est rapproché et avec qui on est en relation. Josaphat savait qui était Celui qui « le secourut ». Les chefs syriens ne savaient pas qui était Celui qui les portait à s'éloigner.
            Nous sommes arrivés au moment décisif de cette période de la vie de Josaphat. Ses yeux étaient ouverts sur la position dans laquelle il s'était placé lui-même ; au moins, s'il ne saisissait pas le mal moral de sa conduite, voyait-il le danger auquel il était exposé. Serré de près par les chefs syriens, il sentait ce que c'était que d'avoir pris la place d'Achab. Heureusement pour lui, il pouvait cependant regarder à l'Eternel du fond de sa détresse ; il pouvait crier à lui dans son extrémité. S'il n'en avait pas été ainsi, la flèche aiguë de l'ennemi le transperçant, lui aurait fait connaître le douloureux résultat de son alliance impie. « Josaphat cria », et son cri monta à l'Eternel, dont les oreilles sont toujours ouvertes pour ceux qui s'adressent à lui dans leur besoin. Pierre sortit et « pleura amèrement » (Luc 22 : 62). Le fils prodigue dit : « Je me lèverai, je m'en irai vers mon père », et le père court à sa rencontre, se jette à son cou et le couvre de baisers (Luc 15 : 18-20). C'est ainsi que le Dieu de grâce agit toujours envers ceux qui, sentant qu'ils se sont creusé « des citernes crevassées qui ne retiennent pas l’eau », retournent à Lui, « la source des eaux vives » (Jér. 2 : 13). Puissent tous ceux qui sentent s'être détournés en quelque mesure de Christ, et s'être laissé entraîner par le courant du présent siècle, rebrousser chemin humblement et revenir dans une vraie contrition d'esprit à Celui qui dit : « Voici, je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu'un entend ma voix et qu'il ouvre la porte, j'entrerai chez lui et je souperai avec lui, et lui avec moi » (Apoc. 3 : 20).

            Combien fut différent le sort d'Achab. Bien qu'atteint d'une blessure mortelle, il se soutint sur son char jusqu'au soir, désirant ardemment cacher sa faiblesse, et voir s'accomplir le désir de son cœur. Point de cri d'humiliation, aucune larme de repentance, nul regard en haut, rien que ce qui s'était montré dans toute sa carrière. Il meurt comme il avait vécu, faisant ce qui est mauvais aux yeux de l'Eternel. Combien vains étaient ses efforts pour se soutenir ! La mort l'avait saisi, et, bien qu'il luttât pendant quelques heures pour conserver bonne apparence, « il mourut vers le temps où le soleil se couchait » (v. 34). Fin terrible que celle de l'homme qui « s'était vendu pour faire ce qui était mauvais aux yeux de l'Eternel ». Qui voudrait être ami du monde ? Quel est celui qui, sachant la valeur d'une vie de simplicité et de pureté, voudrait se joindre au monde dans ses désirs, ses recherches et sa manière de vivre ? Qui, d'entre ceux qui estiment une fin paisible et heureuse de leur carrière, voudrait se lier lui-même aux destinées du monde ?
            Cher lecteur chrétien, efforçons-nous, avec l'aide du Seigneur, de secouer l'influence du monde et d’en purifier nos voies. Nous ne nous représentons pas assez combien il se glisse insidieusement en nous. L'Ennemi cherche d'abord à nous écarter des habitudes vraiment simples et chrétiennes, et par degrés nous tombons et sommes entraînés dans le courant des pensées du monde. Oh ! puissions-nous, avec une plus sainte jalousie et une plus grande délicatesse de conscience, veiller contre l'approche du mal, de peur que les paroles solennelles du prophète ne viennent à nous être applicables : « Ses nazaréens étaient plus purs que la neige, plus blancs que le lait ; leur corps était plus vermeil que des rubis, leur taille un saphir (mais quel changement!) : leur figure est plus sombre que le noir, on ne les connaît pas dans les rues ; leur peau s'attache à leurs os, elle est sèche comme du bois » (Lam. 4 : 7-8).

   
Le roi en paix dans Jérusalem (2 Chroniques 19 : 1 -11)

            Nous jetterons maintenant un coup d’œil sur le chapitre 19. Nous y voyons quelques précieux résultats de toutes les expériences par lesquelles Josaphat avait passé : « Il retourna dans sa maison, en paix, à Jérusalem » (v. 1). Heureuse issue ! L'Eternel était intervenu et l'avait délivré du piège de l'oiseleur, et sans doute, son cœur était rempli de gratitude envers Celui qui avait mis une différence entre lui et Achab, bien qu'il eût dit : « Moi, je suis comme toi ». Achab était descendu au tombeau dans sa honte et sa dégradation, tandis que Josaphat retournait en paix dans sa maison. Mais quelle leçon celui-ci avait apprise ! Combien il devait être sérieux pour lui de se rappeler qu'il avait été si près du bord de l'abîme ! Cependant, l'Eternel avait quelque chose à lui dire touchant ce qu'il avait fait. Bien qu'il lui permît de retourner en paix à Jérusalem, sans être inquiété par l'ennemi, l'Eternel voulait parler à sa conscience à l'égard de son péché. Il le conduit loin du champ de bataille pour s'adresser à lui en particulier. « Et Jéhu, fils de Hanani, le voyant, sortit au-devant de lui, et dit au roi Josaphat : Aides-tu au méchant, et aimes-tu ceux qui haïssent l'Eternel ? A cause de cela, il y a colère sur toi de la part de l'Eternel » (v. 2). C'était un appel solennel qui produisit son effet ; Josaphat « sortit de nouveau parmi le peuple, depuis Beër-Shéba jusqu'à la montagne d'Ephraïm ; et il les ramena à l'Eternel, le Dieu de leurs pères » (v. 4). « Quand tu seras revenu, fortifie tes frères » (Luc 22 : 32), dit le Seigneur à Pierre. Pierre le fit, et ainsi fit aussi le roi Josaphat, et c'est une chose bien précieuse, lorsque, par la tendre miséricorde du Seigneur, les fautes et les manquements conduisent à un semblable résultat. La grâce divine peut seule l'effectuer.
            Lorsqu'après avoir vu Josaphat entouré par les chefs syriens, nous le trouvons parcourant le pays en long et en large pour instruire ses frères dans la crainte de l'Eternel, nous ne pouvons que nous écrier : « Qu'est-ce que Dieu a fait ? » (Nom. 23 : 23). Mais Josaphat était l'homme propre pour cette œuvre. C'est celui qui a éprouvé lui-même les terribles fruits de la négligence d'esprit, qui peut le mieux dire : « Voyez ce que vous ferez » (v. 6). Pierre rétabli dans la communion du Seigneur, après l'avoir renié, fut l'instrument choisi pour accuser les Juifs d'avoir fait la même chose, et pour leur présenter le même précieux sang qui avait déchargé sa conscience du poids de son péché. De même, Josaphat restauré aussi près de Dieu, revint de la bataille de Ramoth de Galaad pour faire entendre aux oreilles de ses frères l'avertissement solennel : « Voyez ce que vous ferez ». Celui qui venait d'échapper au piège était le mieux qualifié pour dire en quoi il consistait, et pour montrer comment y échapper.
            Et remarquez le trait spécial du caractère de l'Eternel, sur lequel Josaphat appelle l'attention : « Auprès de l'Eternel, notre Dieu, il n'y a point d'iniquité ni d'acception de personnes, ni acceptation de présents » (v. 7). Or le piège, pour lui, semble avoir été le présent d'Achab. « Achab tua pour lui, et pour le peuple qui était avec lui, du menu et du gros bétail en abondance, et il le persuada de monter contre Ramoth de Galaad » (18 : 2). Il laissa toucher son cœur par l'hospitalité d'Achab, et fut alors d'autant plus aisément entraîné par les arguments du roi d’Israël. C'est comme Pierre qui, admis à se réchauffer auprès du feu dans la cour du souverain sacrificateur, renie son Seigneur. Nous ne pourrons jamais discuter avec un calme spirituel, les arguments et les suggestions du monde, aussi longtemps que nous respirons son atmosphère, ou que nous acceptons ses avances. Nous devons rester en dehors du monde, et être indépendants de lui ; alors, nous serons dans la meilleure position pour rejeter ses propositions, et triompher de ses séductions.

            Il est instructif de remarquer comment Josaphat, après sa restauration, insiste sur ce trait du caractère de Dieu dont l'oubli l'avait fait si gravement manquer. La communion avec Dieu est la plus puissante sauvegarde contre toute tentation, car il n'y a pas de péché par lequel nous puissions être tentés, qui ne trouve son contraire en Dieu : or, nous ne pouvons éviter le mal que par la communion avec le bien. C'est là une vérité très simple, mais profondément pratique. Si Josaphat avait été en communion avec Dieu, il n'aurait pas pu être en communion avec Achab. Et ne pouvons-nous pas dire que c'est l'unique moyen selon Dieu, de considérer la question des associations mondaines ? Demandons-nous ceci : Notre association avec le monde, quelle qu'elle soit, peut-elle s'accorder avec notre communion avec Dieu ? Telle est, en réalité, la question. C'est une misérable chose de se demander : Ne puis-je être participant de tous les bénéfices du nom de Christ, et cependant déshonorer ce nom en me mêlant aux gens du monde, et en me plaçant sur le même terrain qu'eux ? Comme tout se règle aisément, lorsque nous apportons les choses en la présence divine et sous la puissance pénétrante de la vérité de Dieu : « Aides-tu au méchant, et aimes-tu ceux qui haïssent l'Eternel ? ».
            La vérité arrache tous les voiles de mensonge que le cœur, qui a perdu la communion avec Dieu, a l'habitude de jeter sur les choses. C'est uniquement quand elle jette ses rayons infaillibles sur notre chemin, que nous voyons les choses sous leur vrai caractère. Remarquez la manière dont la vérité divine dévoile les actes d'Achab et de Jézabel. Celle-ci aurait volontiers couvert d'un beau manteau son abominable méchanceté : « Lève-toi », dit-elle à Achab, « prends possession de la vigne de Naboth, le Jizeéelite, qu'il refusa de te donner pour de l'argent, car Naboth n'est pas vivant, mais il est mort ». C'est ainsi qu'elle expose la chose, mais comment l'Eternel l'envisage-t-il ? « As-tu tué, et aussi pris possession ? » (1 Rois 21 : 15-19). En d'autres termes : As-tu commis un meurtre et un vol ? Dieu a affaire avec des réalités. Devant lui, hommes et choses prennent leur place et leur valeur propres ; les beaux dehors, l'affectation, les prétentions, ne sont rien - tout est réel. Il en était ainsi avec Josaphat. Son but qui, aux yeux des hommes, pouvait paraître religieux, n'était, au jugement de Dieu, qu'une aide donnée au méchant, et une affection coupable pour ceux qui haïssaient l'Eternel. Tandis que peut-être les hommes l'applaudissaient, il y avait « colère sur lui de la part de l'Eternel ».

            Cependant, Josaphat devait être reconnaissant pour la salutaire leçon que sa chute lui avait enseignée. Elle lui avait appris à marcher davantage dans la crainte de l'Eternel, et le conduisait ainsi à insister tant et plus auprès des autres sur ce point important. Cela n'était pas peu de chose. A la vérité, c'était un mode d'apprendre triste et douloureux, mais c'est une bonne chose quand nos chutes mêmes nous instruisent, et quand nous pouvons dire, par une pénible expérience, le mal terrible qui se trouve dans le mélange avec le monde. Que Dieu veuille que nous le sentions tous à un plus haut degré, et que nous marchions davantage dans une crainte sérieuse de la nature corruptrice de toute association mondaine, et de notre tendance à nous laisser souiller par elles. Nous pourrions alors enseigner plus efficacement les autres ; nous serions en état de leur dire avec quelque autorité : « Fortifiez-vous, et agissez ; et l'Eternel sera avec l'homme de bien » (v. 11).
 

 
La mise à l’épreuve de la foi de Josaphat (2 Chroniques 20 : 1-30)

            Le chapitre 20 nous montre Josaphat dans de bien plus heureuses circonstances que le chapitre 18. Nous le voyons sous l'épreuve à cause des attaques des ennemis de Juda : « Il arriva, après ces choses, que les fils de Moab et les fils d'Ammon, et avec eux une partie des Maonites, vinrent contre Josaphat pour faire la guerre » (v. 1). Il y a infiniment moins à craindre pour Josaphat de le voir en butte aux hostilités de l'ennemi, que de le voir l'objet des attentions d'Achab, car, dans le premier cas, il est près de se rejeter entièrement sur Dieu, tandis que dans l'autre, il était près de tomber dans le piège de Satan. La vraie place d'un homme de Dieu, c'est d'être en opposition positive avec les ennemis du Seigneur, et non en relation avec eux. Nous ne pouvons compter, en aucune manière, sur la sympathie et la direction divines, lorsque nous nous unissons avec les ennemis du Seigneur. Aussi avons-nous fait observer combien il était vain, pour Josaphat, de s'enquérir auprès de l'Eternel, dans une chose qu'il savait être mauvaise. Mais il n'en est pas de même dans l'occasion présente. Il est réellement dans le vrai, lorsqu'il « tourne sa face pour rechercher l'Eternel, et proclame un jeûne par tout Juda » (v. 3). C'est une œuvre sérieuse. Il n'est rien de tel que l'épreuve venant de la part du monde, pour pousser un fidèle à se séparer de lui. Quand le monde nous sourit, nous sommes en danger d'être attirés par lui ; mais lorsqu'il nous menace, nous sommes repoussés dans notre forteresse ; et cela est bon et salutaire. Josaphat ne dit pas à un Moabite ou à un Ammonite : « Je suis comme toi », non ; il savait bien qu'il n'en était pas ainsi, car ils ne le lui laissaient pas penser. Et il est de beaucoup meilleur de connaître notre vraie position par rapport au monde.

                        La prière de Josaphat 

            Il y a trois points particuliers dans les paroles que Josaphat adresse à l'Eternel (v. 6-12) :
                        - la grandeur de Dieu.
                        - le serment fait à Abraham touchant le pays.

                        - la tentative que fait l'ennemi de chasser la postérité d'Abraham hors de ce pays.

            La prière du roi est précieuse et instructive - pleine d'intelligence divine. Il fait de cette attaque une question entièrement entre le Dieu d'Abraham et les fils de Moab, d'Ammon et ceux du mont de Séhir. C'est ce que la foi fait toujours, et l'issue sera toujours la même. Ils viennent, dit-il, « nous chasser de ton héritage, que tu nous as fait posséder » (v. 11). Combien cela est simple ! Eux veulent prendre ce que Toi, tu nous as donné ! C'était remettre aux soins de Dieu de maintenir son alliance. « O notre Dieu, ne les jugeras-tu pas ? car il n'y a point de force en nous devant cette grande multitude qui vient contre nous, et nous ne savons ce que nous devons faire, mais nos yeux sont sur toi » (v. 12). Nous pouvons le dire avec certitude, la victoire était assurée à celui qui parlait ainsi à Dieu. Et Josaphat le sentait bien. Car « il tint conseil avec le peuple, et il établit des chantres pour l'Eternel, et ceux qui louaient dans la sainte magnificence, et disaient, en sortant devant les troupes équipées : Célébrez l'Eternel, car sa bonté demeure à toujours » (v. 21). La foi seule pouvait faire entendre un chant de louanges avant même que la bataille eût commencé.
            « La foi regarde à la promesse sûre ». De même que la foi avait rendu Abraham capable de croire que Dieu mettrait sa postérité en possession de la terre de Canaan, elle rendait aussi Josaphat capable de croire qu'il l'y garderait. Il n'avait donc pas besoin d'attendre la victoire afin de louer ; il jouissait déjà des pleins résultats de la victoire. La foi pouvait dire : « Tu as conduit par ta bonté ce peuple que tu as racheté ; tu l’as guidé par ta force jusqu'à la demeure de ta sainteté » (Ex. 15 : 13), bien qu'il ne fit qu'entrer dans le désert.
 

                        La délivrance de l’Eternel 

            Quel étrange spectacle pour les ennemis de Josaphat de voir une troupe d'hommes portant dans leurs mains, au lieu d'armes, des instruments de musique ! Nous voyons une autre application du même principe de combattre, lorsque, plus tard, Ezéchias se revêt d'un sac au lieu d'armure (Es. 37 : 1). C'était bien, en effet, le même principe, car tous deux avaient été élevés à la même école et combattaient sous la même bannière. Il serait à désirer que notre combat avec le présent siècle - avec ses mœurs, ses habitudes et ses maximes - soit davantage réglé par le même principe. « Par-dessus tout cela, prenez le bouclier de la foi grâce auquel vous pourrez éteindre toutes les flèches enflammées du Méchant » (Eph. 6 : 16).
            Quel contraste entre Josaphat jouant le rôle d'Achab à Ramoth de Galaad, et Josaphat se tenant avec l'Eternel contre ses ennemis, les Moabites ! Oui, de toutes manières, le contraste était grand. Sa manière de chercher l'aide et la direction de l'Eternel était différente, son mode de procéder au combat différent aussi ; et pour l'issue, quelle différence ! Au lieu de se trouver presque accablé par l'ennemi, et de crier du fond de sa détresse et de son danger, nous le voyons se joindre au chœur qui célèbre hautement les louanges du Dieu de ses pères, qui lui avait donné la victoire sans qu'il eût besoin de frapper un seul coup - qui avait fait que ses ennemis s'entre-détruisissent, et qui l'avait gracieusement conduit de la sombre vallée d'Acor (trouble) à la vallée de Béraca (bénédiction). Heureux contraste ! Puissions-nous être conduits par cet exemple à chercher un sentier plus décidé de séparation, dans une dépendance constante de la grâce et de la fidélité du Seigneur ! La vallée de Béraca ou de bénédiction, « car là ils bénirent l'Eternel » (v ; 26), est toujours le lieu où l'Esprit de Dieu voudrait nous conduire, mais il ne peut le faire, aussi longtemps que nous nous unissons aux Achabs de ce monde, dans le but d'aider à leurs desseins. La parole du Seigneur est : « Sortez du milieu d'eux et soyez séparés, dit le Seigneur, et ne touchez pas à ce qui est impur, et moi, je vous recevrai ; et je serai pour vous un père, et vous, vous serez pour moi des fils et des filles, dit le Seigneur, le Tout-puissant » (2 Cor. 6 : 17-18).
            C'est une chose remarquable de voir combien la mondanité gêne, et même détruit l'esprit de louange. Elle est positivement hostile à cet esprit, et si l'on s'y abandonne, l'âme sera conduite ou dans une profonde angoisse, ou à l'abandon complet et ouvert de toute apparence de piété. Dans le cas de Josaphat, ce fut heureusement le premier état qui se manifesta. Il fut humilié, restauré, et introduit ensuite dans une bénédiction plus abondante.

            Mais ce serait triste, en vérité, si quelqu'un se plongeait dans la mondanité, avec l'espérance d'être conduit à une issue semblable à celle de Josaphat. Espérance vaine et présomptueuse ! Attente coupable ! Qui, d'entre ceux qui apprécient ce que vaut une marche pure, calme et paisible, pourrait, pour un moment, entretenir une telle pensée ?  Le Seigneur « sait délivrer de la tentation les hommes pieux », mais irions-nous, à cause de cela, nous jeter délibérément dans la tentation ? Dieu nous en préserve !
 

 
Derniers manquements et fin de Josaphat (2 Chroniques 20 : 35 - 21 : 1a) 

            Qui peut sonder les profondeurs du cœur humain - les profondeurs de sa malignité ? Qui peut démêler le labyrinthe de ses ruses ? Quelqu'un se serait-il imaginé qu'après de si sérieuses leçons, Josaphat se serait encore joint aux impies, pour poursuivre leurs plans d'ambition ou plutôt d'avarice ? Personne ne le croirait, sauf celui qui a appris à connaître quelque peu son propre cœur. Josaphat le fit. « Il se lia avec Achazia, roi d'Israël, qui agissait méchamment. Et il s'associa avec lui pour construire des navires pour aller à Tarsis ; et ils construisirent les navires à Etsion-Guéber. Et Eliézer, fils de Dodava, de Marésha, prophétisa contre Josaphat, disant : Parce que tu t'es lié avec Achazia, l'Eternel a détruit tes œuvres : et les navires furent brisés, et ne purent aller à Tarsis » (v. 35-37). Qu'est-ce que l'homme ? Une pauvre créature qui trébuche, boite et tombe, se précipitant toujours dans quelque nouvelle folie ou quelque nouveau mal. Josaphat est à peine relevé, pour ainsi dire, des funestes effets de son association avec Achab, et le voilà qui se lie avec Achazia. Avec difficulté, ou plutôt par la grâce spéciale et l'intervention directe du Seigneur, il avait échappé aux flèches des Syriens, et nous le voyons de nouveau ligué avec les rois d'Israël et d'Edom, pour combattre les Moabites (2 Rois 3).           

            Tel fut Josaphat - telle fut sa remarquable carrière. « Il s'est trouvé de bonnes choses en lui » (19 : 3), mais son piège était les associations mondaines, et la leçon que nous avons à tirer de son histoire, c'est de nous garder de ce mal. Oui, nous avons besoin que, sans cesse, raisonne à nos oreilles et dans nos cœurs, l'avertissement solennel : « Sortez du milieu d’eux, et soyez séparés ». Nous ne pouvons toucher de la poix, sans qu’elle s'attache à nous et nous salisse, et nous ne pouvons, en aucune manière, nous mêler avec le monde et nous laisser gouverner et conduire par ses maximes et ses principes, sans souffrir dans nos âmes et ternir notre témoignage.

            Je voudrais faire remarquer, en terminant, qu'il y a comme un soulagement d'esprit dans ces paroles : « Et Josaphat s'endormit avec ses pères » (21 : 1a). On se sent assuré qu'enfin il est hors de l'atteinte des pièges et des artifices de l'Ennemi, et, de plus, qu'il est venu sous la bénédiction que prononce l'Esprit : « Bienheureux les morts qui meurent dans le Seigneur… ils se reposent de leurs travaux » (Apoc. 14 : 13) - oui, dans un repos loin de tout combat, de tout piège et de toute tentation aussi.

                                                                                            « Messager évangélique » 1888 p. 352-418